Le metteur en scène australien Michael Petroni a questionné à de nombreuses reprises les principes de la foi dans ses travaux, notamment dans la série Miracles ou dans le film Le Rite. Avec Messiah, il s’y attaque de manière encore plus frontale, et pose un postulat de départ des plus intriguants : en Syrie, un homme sorti de nulle part semble posséder des aptitudes extraordinaires, et va être suivi par de nombreux Palestiniens. Ils entament une marche à travers le désert pour arriver à la frontière israélienne, où les militaires refusent de les laisser passer. C’est le début d’une couverture internationale pour cet événement, et le mystérieux personnage va susciter des interrogations et des craintes dans le monde entier. La question est à la fois très simple et très complexe : est-il le Messie ressuscité?
Depuis plus de 2000 ans, les croyants attendent la Seconde Venue du Christ, qui libérera le monde du Mal. Michael Petroni pose la question suivante : s’il revenait réellement, est-ce que les gens le croiraient? Et comment interagirait-il avec le monde? L’homme nommé Al-Masih qui est apparu en Syrie risque bien de causer un désordre d’envergure, tant d’un point de vue géopolitique qu’émotionnel, car les questionnements sur sa nature vont ouvrir des brèches qui jusque-là restaient fermées. S’il y a une possibilité pour que ce soit vrai, y a-t-il un moyen de le prouver? Et s’il s’agit d’une immense supercherie, là encore, comment le démasquer?
De par ses questionnements foisonnants et ses perpétuelles remises en question, Messiah s’avère être une série des plus captivantes et addictive! Michael Petroni va, au gré de ses 10 épisodes, mettre en scène les différents impacts qu’une telle apparition causerait si elle avait lieu dans le monde réel. Il va questionner la théologie, les idées politiques, les notions d’identité territoriale, les peurs enfouies au plus profond de chacun, les espoirs les plus vifs… Et il va balader cet étrange Al-Masih d’un continent à l’autre, se retrouvant à chaque fois confronté à des individus mettant sa parole en doute, donnant lieu à des joutes verbales feutrées et très intéressantes. C’est l’acteur belge Mehdi Dehbi qui a la lourde tâche d’endosser le rôle du mystérieux jeune homme, et il donne corps à un personnage magnétique et très difficile à percer. Il crée une aura très forte et parvient à se placer face à chaque personne rencontrée, renversant constamment les rapports de force, tout en s’y soustrayant! Il y a de réelles tensions dans les scènes de dialogues, et un excellent travail d’acting et d’écriture! La réalisation de James McTeigue (V pour Vendetta) et Kate Woods (Bones) s’avère excellente et permet de plonger pleinement dans cette intrigue étonnante! Ils savent comment jouer avec l’aura du personnage et les multiples tensions inhérentes à son apparition!
Des éléments vont nous faire pencher du côté de la croyance, d’autres vont nous dire de faire attention, et on va se balader d’épisode en épisode en étant manipulé par ce Michael Petroni qui gère totalement son récit! La façon dont s’exprime Al-Masih renvoie aux paraboles de Jésus, et à sa manière de répondre en posant des questions à son tour, tel un philosophe. Al-Masih va nous expliquer sa vision du monde, et ce qu’il espère voir enfin changer, mais il conserve toujours cette aura mystérieuse et ce décalage constant avec le commun des mortels. A son contact, les gens sont étonnés, subjugués, méfiants, mais personne ne reste indifférent. Michael Petroni va savamment doser l’évolution de l’intrigue, en faisant intervenir la CIA et la police israélienne, des civils américains et palestiniens, avec un casting là encore international : les Américains Michelle Monaghan et John Ortiz, les Français Tomer Sisley et Sayyid El Alami, le Tunisien Farès Landoulsi…
C’est d’ailleurs très étonnant de découvrir Tomer Sisley, plus habitué au registre de la comédie ou de l’action franchouillarde (Largo Winch), dans ce thriller religieux et politique. Il caractérise avec une belle densité son personnage de Aviram, flic violent et border-line qui va souhaiter avoir des réponses rapides face à Al-Masih. Michelle Monaghan joue une agente de la CIA elle aussi très sceptique face à cette apparition soi-disant divine, et qui va tout faire pour tenter de comprendre qui est réellement ce nouveau prophète. Il y a une réflexion habile sur le poids des médias et des réseaux sociaux, qui vont eux-mêmes directement impacter sur la suite des événements. Al-Masih est conscient d’être observé par le monde entier, et va se servir de cette attention internationale pour porter son message. Mais sa manière de communiquer s’avère relativement diffuse, tout en offrant parfois des ouvertures inattendues. Il y a une ambivalence permanente chez le jeune homme, capable d’actes étonnants mais qui n’en abuse pas, quitte à probablement perdre des adeptes. C’est cette oscillation constante entre des possibilités incroyables et une vision plus terre-à-terre que Messiah parvient à rester captivante, car on va se poser exactement les mêmes questions que tous les protagonistes rencontrés par Al-Masih : quelle est sa véritable nature?
Porté par la ferveur de ses adeptes, il va poursuivre sa route tout en faisant face à ses détracteurs. Al-Masih semble ne pouvoir jamais être contrarié ou désarçonné par qui que ce soit, et sa force intérieure va créer le doute chez ses opposants. On va également traiter des récupérations d’un tel événement, tant politiques que personnelles, et cette série est réellement brillante dans sa manière de répondre globalement à tout ce qui se passerait si un tel personnage venait à apparaître. La chaîne des événements est implacable, et ne semble aucunement perturber le jeune homme, qui a assez de force pour faire de chaque attaque un moyen de convaincre. Le pari de Michael Petroni est très réussi, et Messiah est clairement l’une des séries immanquables de cette année!!!