Au milieu de toutes les propositions du catalogue Marvel by Netflix, Daredevil s’avère sans conteste être la série la plus intense et stable, et permet de rehausser le niveau après des saisons 2 plus simplistes et classiques de Luke Cage et Iron Fist. Le showrunner de cette saison 3, Erik Oleson (Arrow, The Man in the high Castle) adapte en partie le plus célèbre arc narratif du comics Daredevil, Born Again. Le héros est laissé pour mort après les événements de The Defenders, et est recueilli par le Père Lantom qui le cache dans son église, au sein de l’orphelinat dans lequel Matt Murdock a grandi. La Soeur Maggie va s’occuper de ses blessures et va tenter de comprendre ses tourments, alors que Murdock semble avoir totalement renié Dieu.
Cette saison est une réussite totale, et va brasser des thématiques riches en les exploitant de manière réaliste et complexe. Jamais la religion n’aura été autant partie intégrante d’un show télé Marvel, et la remise en question de la foi de Matt s’avère douloureuse et intense. La perte d’Elektra lors des événements de Midland Circle est très lourde pour lui, et il va opérer un changement de vision radical, en voulant se débarrasser à jamais de son identité de Matt Murdock, pour embrasser totalement celle de Daredevil, en lâchant totalement sa nature primale et vengeresse. L’Homme sans Peur, qui jusque-là avait toujours refusé de franchir la limite qui le séparait des méchants, est prêt à tuer.
Charlie Cox incarne ce Daredevil déchu avec un désespoir tranchant, et redonne au personnage un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis longtemps. Diminué, meurtri, totalement perdu, il va devoir trouver un moyen de se reconstruire, et va tenter de le faire en laissant exprimer sa violence intérieure. Ce Daredevil revient aux origines, et va reprendre son costume noir initial, pour bien dénoter avec le costume rouge qu’il portait quand il avait décidé d’être le protecteur d’Hell’s Kitchen. Cet aspect Back in Black est excellent, et permet de revenir aux fondements de cette série et du personnage, en permettant à Charlie Cox de puiser au plus profond des traumas et des déchirures de Matt.
Qui dit Born Again dit Wilson Fisk! Cette saison 3 marque le retour du criminel en tant qu’antagoniste principal, et c’est un vrai plaisir de retrouver Vincent D’Onofrio dans ce rôle emblématique! Il rend totalement justice à la stature et au caractère destructeur de Fisk, et en est l’incarnation parfaite! Un Fisk qui se retrouve acculé, et qui va tenter de sortir de prison en passant un marché avec le FBI. Mais même dans la défaite, il reste impressionnant, et son esprit est toujours en mouvement pour rassembler le plus de cartes possibles et créer un jeu qui lui permette de se relever. Vincent D’Onofrio apporte une dimension tragique intense à ce personnage, à la fois détestable et touchant, le seul élément lui conférant une dimension humaine étant sa bien-aimée Vanessa. Quand il se livre en parlant d’elle et de l’impact qu’elle a sur sa vie, on se retrouve face à un géant aux pieds d’argile, capable de tout pour cette femme qui a trouvé le chemin vers son coeur.
L’excellent atout de cette saison 3, c’est l’arrivée de Benjamin « Dex » Poindexter! Ce nom est dans les comics l’alias d’un certain Bullseye!!! Eh oui, l’un des ennemis les plus emblématiques de DD débarque enfin!!! Poindexter est incarné par Wilson Bethel, vu dans Les Feux de l’Amour ou Hart of Dixie. Evidemment, ce rôle change nettement par rapport à ses prestations précédentes, et il va incarner Dex avec une intensité impressionnante! Il faut dire qu’il est bien aidé par un excellent script, qui va faire de ce super-criminel quelque chose de bien plus abouti que ce que nous offrait Colin Farrell dans le film Daredevil… On va prendre le temps de comprendre les fêlures d’enfance de Dex, on va assister aux événements qui l’auront marqué à vie, et on va découvrir la naissance d’un psychopathe à travers ces flashbacks. La force de Daredevil est de toujours parvenir à jouer sur une corde narrative ambivalente, et même la figure la plus mauvaise recèle une certaine part de lumière. C’est en associant ces parts contradictoires que les scénaristes parviennent à composer des personnages forts et complexes, et à nous intéresser à leurs interactions et évolutions.
On va retrouver Karen Page et Foggy Nelson, les amis de longue date de Murdock, qui gèrent leur deuil de manière différente. Karen est persuadée que Matt est toujours en vie, et ne peut se résoudre à l’avoir perdu. Elle continue de travailler au Bulletin, le quotidien new-yorkais, et Foggy poursuit son métier d’avocat. Un nouveau personnage va apparaître, il s’agit de Rahul « Ray » Nadeem, un agent du FBI qui va tenter d’arrêter Daredevil. Mais la guerre de Murdock contre le crime va s’avérer de plus en plus ardue, avec Fisk achetant de plus en plus de personnes au sein du FBI… Cette saison 3 va mettre en lumière toute la corruption opérée par Fisk, et comme l’appareil judiciaire semble incapable de stopper le criminel, Murdock est déterminé à utiliser une solution plus radicale… Wilson Fisk acquiert enfin son statut de Caïd dans cette saison!
Une saison 3 qui nous offre son lot de combats bien impressionnants, notamment ce plan-séquence de malade qui dure 11 minutes, et dans lequel on va souffrir aux côtés de Matt qui tente de s’échapper face à une horde d’adversaires!!! Un moment sacrément impressionnant, et qui dénote la volonté du showrunner de nous offrir un vrai spectacle qui nous prend aux tripes! Le résultat est d’une très belle intensité, et le reste des combats dans cette saison s’avère très bien chorégraphié également. Les metteurs en scène évitent les montages cut, et on peut donc apprécier pleinement ces séquences! Quand on a un Daredevil face à un Bullseye, ça claque quand même!!! Les talents de Poindexter sont mis en avant avec une belle mise en scène, et sa virtuosité est très bien rendue! Ce bad guy est capable d’utiliser à peu près n’importe quel objet pour en faire une arme, et il ne rate jamais sa cible! Compliqué d’arrêter un adversaire aussi infaillible…
Un petit mot encore pour ne pas oublier l’excellente partition de John Paesano! Le compositeur nous revient avec sa sublime musique et nous en offre de multiples variations au gré des épisodes, mais ce thème fait partie intégrante du show et participe à l’atmosphère unique de la série! Une saison 3 qui fait un bien fou après des shows plus soft, et je vous conseille vraiment d’assister à ces affrontement entre DD et Bullseye!!! Il y a une vraie finesse dans l’écriture, qui revient elle aussi aux fondamentaux de la saison 1, et chaque dialogue est traité avec un très grand soin, pour nous offrir des moments permettant de plonger plus profondément dans chaque personnage. La chute de DD et sa boussole morale brisée, les vieux secrets enfouis et qui vont resurgir, la peur permanente des amis de Murdock qui craignent pour sa vie… Daredevil nous convie encore une fois à une histoire de super-héros très réaliste, prenant vie dans les bas-fonds new-yorkais et puisant dans le meilleur des comics Marvel!