Thelma (Joachim Trier, 2017)

Le metteur en scène Joachim Trier nous livre une oeuvre aux contingences de plusieurs genres, qu’il va entremêler avec un sens de la narration d’une très belle précision, tout en  plaçant ce récit dans un écrin d’une grande beauté. Thelma est un film reposant sur un concept classique, à savoir une jeune femme solitaire qui semble dotée d’un très grand potentiel, et Joachim Trier va nous emmener dans des directions et des sensations étranges… On pense un instant à Carrie au Bal du Diable, mais on va glisser dans une sensibilité différente, et la personnalité envoûtante de la fragile Thelma va se développer au gré de sa nouvelle vie d’étudiante.

Joachim Trier va commencer à nous raconter une très belle histoire d’amour, avec des émotions affleurant grâce à une superbe mise en scène, qui rappelle constamment le monde dans lequel Thelma évolue. Il y a une très grande beauté picturale qui se dégage de chaque plan, et on perçoit l’appartenance de Thelma à son environnement, même lorsqu’elle semble perdre le contrôle. Les perturbations qu’elle ressent lorsque les émotions affluent sont très bien retranscrites, et on vit littéralement ces vagues qui la submergent, et cette peur de voir la maîtrise lui échapper. Joachim Trier met tout simplement en images de manière très prenante le sentiment amoureux et les éléments contradictoires qu’il déclenche, et qui dans le cas de Thelma vont être accentués…

Eilie Harboe, qui a joué dans The Wave, est impressionnante par la justesse de son jeu et l’intensité qu’elle donne à son personnage! Sa douceur et sa fragilité cristallisent les peurs qui la tiraillent, et qui semblent prendre naissance dans un lointain passé. A ce titre, l’intro est glaçante à souhait… Elle va chercher à comprendre ce qui la perturbe autant, tout en essayant tant bien que mal de briser sa solitude et de se faire des amis… Sa relation avec ses parents semble à la fois distante et empreinte d’une certaine tendresse, mais son éducation catholique stricte va se heurter au présent de la jeunesse étudiante. Elle va faire ses propres expériences, se mettre en danger, et tenter de concilier sa vision du monde avec ses aspirations…

Thelma est une sorte de récit initiatique, narrant les changements dans l’existence d’une jeune femme ayant toujours vécu dans un village sans histoires, et qui découvre la richesse d’une grande ville, et les multiples liens sociaux qu’elle pourrait avoir maintenant. Mais les crises qu’elle endure mènent le film vers une dimension plus sombre, car on ne sait pas ce qui les provoque et ce dont il s’agit réellement. Et la force de ses pensées va encore mener le film dans une autre direction, avec un choix narratif toujours centré sur les liens entre l’extérieur et l’intérieur, le monde autour d’elle, et Thelma. En ce sens, ça rappelle également Carrie au Bal du Diable, mais la sensibilité de Joachim Trier est différente de celle de Brian De Palma, et la personnalité envoûtante de Thelma va se retrouver confrontée à des dilemmes ardus, et elle va également se retrouver perdue dans des séquences oniriques impressionnantes.

Il est juste dommage que dans le dernier tiers, Trier opte pour un choix narratif qui amoindrit un peu la portée de son film. Mais Thelma reste une expérience prenante et une proposition très intéressante, que l’on va avoir du mal à cataloguer, ce qui est en soi un signe évident de sa richesse. Joachim Trier est assurément un metteur en scène qu’il va falloir suivre, et Eili Harboe mérite elle aussi de voir sa carrière décoller!

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