Après avoir oeuvré une vingtaine d’années à la télévision britannique, le metteur en scène Jeremy Lovering se lance dans le long métrage avec ce récit très étrange d’un couple à la recherche d’un hôtel qu’il ne trouve jamais. Tom et Lucy sont deux jeunes partis pour un festival de musique en Irlande, mais qui vont se perdre dans un chemin labyrinthique en cours de route… Avec un sujet aussi épuré et 2 personnages principaux, on pouvait craindre un film d’auteur horrifique dans lequel il ne se passe rien, un peu à la Coherence tiens… Mais Lovering fait preuve d’une redoutable efficacité dans sa gestion dramatique et son montage, pour créer une peur insidieuse de plus en plus intense.
Sa mise en scène s’avère très intelligente, et il va utiliser une certaine vision de film d’auteur pour instiller une véritable angoisse. Les gros plans sur les visages à travers la vitre, les plans rapprochés avec le vent qui souffle dans les cheveux, etc. On est dans une thématique très film d’auteur, mais qui va être mise au service d’une vraie peur tenace. Le choix des cadrages souvent bancals renvoie là encore à un certain réalisme d’auteur, et ces décalages rajoutent finalement à l’intensité que Lovering souhaite donner à son film, avec ces zones où semble se cacher quelque chose.
La menace est tapie sur la route, dans la forêt que traverse la voiture, et elle se rapproche constamment. Jeremy Lovering propose une manière innovante de créer la peur, et même s’il n’évite pas un ou deux jump scares, sa maîtrise de l’angoisse s’avère réellement impressionnante. Le coup des cheveux par exemple est d’une simplicité et d’une efficacité absolues, et il va poursuivre son métrage dans ce sens à la fois réaliste et innovant. Il va jouer sur la déroute et la peur de ses personnages, qui vont parfois être victimes de leur imagination, et qui vont également de manière très soudaine se retrouver pris au piège. Il y a de véritables montées d’adrénaline dans cet excellent film, qui joue en même temps sur des angoisses enfantines, comme la peur du noir, de la forêt, et celle de se perdre.
On ressent le froid, le vent, l’obscurité dans lesquels évoluent Tom et Lucy, et on ressent l’atmosphère radicale de ce coin paumé irlandais. L’environnement apparaît de plus en plus hostile, et la nature elle-même semble vouloir empêcher le couple de retrouver sa route. Le chemin qui se rétrécit de plus en plus avec les branches qui frappent la voiture, un arbre qui tombe, ce chemin qui les ramène toujours au même endroit… Il y a une sorte de personnification de la forêt elle-même à un niveau sous-jacent, qui de simple environnement devient une menace latente. Qu’est-ce qui se passe dans cet endroit, et pourquoi tout en suivant les panneaux, n’arrivent-ils pas à cet hôtel?
Iain De Caestecker et Alice Englert sont excellents dans leurs rôles, le premier jouant Tom avec un mélange de gentillesse et de colère rentrée, la seconde avec une personnalité vive et sensible. Iain De Caestecker est un peu plus décoincé que son personnage de Leo Fitz dans Agents of S.H.I.E.L.D., mais on sent la frustration de Tom lorsqu’il commence à avoir peur. Il n’a rien d’un héros, et il n’aime pas montrer à Lucy qu’il commence à flipper. A ses côtés, elle ne le cache pas, même si elle tente de trouver des solutions à ce qui leur arrive. La psychologie des personnages est très bien traitée (le scénario est de Lovering lui-même), et avec la menace qui rôde au-dehors, il faut tenir compte aussi des tensions que Tom et Lucy vont créer entre eux de manière plus ou moins consciente.
Jeremy Lovering va encore utiliser une visualisation de la terreur très intelligente, avec ses plans où apparaît une menace immobile, par exemple lorsque Lucy voit quelque chose derrière Tom qui est à l’extérieur de la voiture. En jouant sur la mise en scène et la temporalité, Lovering nous fait vraiment flipper, et son In Fear mérite finalement bien son nom! Il parvient à réaliser un film totalement angoissant en plongeant ce couple en pleine nature, incapable de comprendre ce qui lui arrive dans ce lieu inhospitalier. Jeremy Lovering démonte les mécanismes de la peur, et son film est une très belle découverte dans le genre!