La Maison au Fond du Parc (Ruggero Deodato, 1980)

Ruggero Deodato fait partie de ces cinéastes ayant contribué au renouveau du film horrifique italien dans les années 70 et 80, et on lui doit des oeuvres très ciblées comme Le dernier Monde cannibale, Cannibal Holocaust ou encore Amazonia: la Jungle blanche. Mais au-delà des films de cannibales, il a mis en scène quelques autres récits, donc La Maison au Fond du Parc, qui s’avère être une oeuvre très réussie!

Je n’ai jamais tenté Cannibal Holocaust car son sujet me paraît surtout être de la barbarie gratuite, mais je me suis laissé tenté par La Maison au Fond du Parc, surtout pour la présence de l’excellent acteur David Hess, qui s’est très rapidement spécialisé dans les rôles de psychopathes, et qui maîtrise son sujet! Son premier film est La dernière Maison sur la Gauche, qui est aussi le premier film du réalisateur Wes Craven. Il incarne déjà un détraqué qui va s’en prendre à une jeune fille, et il poursuivra les rôles de bad boys dans La Créature du Marais en 1982, toujours de Craven, et on le croisera dans quelques séries comme K 2000, Manimal, L’Homme qui tombe à Pic ou L’Agence tous Risques. Mais son rôle le plus emblématique reste certainement celui d’Adam dans La Proie de l’Autostop, le chef-d’oeuvre de Pasquale Festa Campanile datant de 1977, où il prend en otage un couple qui l’a laissé monter dans sa voiture. Il y affronte le mythique Franco Nero, et ce film est une pure merveille de suspense et d’ambiance malsaine!

La Maison au Fond du Parc est dans une veine similaire, mais sans toutefois atteindre la perfection du film de Campanile. David Hess joue Alex, un jeune homme sans scrupules qui viole, vole et tue comme il en a envie. Avec son copain Ricky, ils vont s’inviter dans une soirée de jeunes bourgeois se déroulant dans une maison isolée. Après avoir été raillé par la bande de jeunes, Alex décide de prendre les choses en main…

Ruggero Deodato signe un très bon film de suspense, où l’atmosphère délétère mêlant sexe et violence s’avère très maîtrisée. On est en pleine période foisonnante pour les oeuvres extrêmes de ce type (La dernière Maison sur la Gauche, Oeil pour Oeil, Maniac), qui tombent très souvent dans le voyeurisme et la violence gratuite. Mais cette Maison au Fond du Parc propose un sous-texte social très intéressant qui fait de cette confrontation physique et psychologique une sorte de lutte des classes entre la frange pauvre de la population et celle plus aisée qui vit dans le luxe.

Si Alex est un être abject, il possède toutefois une sorte de confiance en lui qui lui permet d’être à l’aise en toutes circonstances, et on suit avec un certain amusement son débarquement dans ce milieu huppé. Il reste très à l’aise et commence à draguer une jolie jeune femme, qui semble répondre à ses avances avant de le repousser. La caractérisation des personnages est faite avec beaucoup d’intelligence, et les jeunes apparaîssent comme des gosses de riches sans ambition qui ne pensent qu’à faire la fête. Du coup, ils ne s’attirent pas spécialement la sympathie du spectateur, et l’opposition entre le pervers et son pote avec les bourgeois va se jouer sur un terrain entre le drame et la comédie. On baigne évidemment dans un humour très noir et le drame tourne rapidement à la violence, mais il y a dans ce film une sorte de jeu latent entre tous les protagonistes, qui va de la provocation sexuelle au déferlement de haine.

David Hess est excellent dans le rôle d’Alex, ce pervers pour qui tout est un jeu, et qui voit les gens comme des objets mis à sa propre disposition. Il use toujours d’un vernis de sociabilité pour tromper ses proies, et son sourire carnassier masque sa folie et son absence de limites. Face à lui, les jeunes semblent juste hébétés, et ce avant même qu’Alex les ait pris en otages. Ils représentent de manière typique une jeunesse sans âme et sans consistance, qu’Alex pourrait bien réveiller cette nuit-là! L’absence d’empathie à leur égard permet de gérer la violence d’Alex d’une autre manière, car même si elle est frontale, elle touche des gens qui semblent prendre les autres de haut. Même si elle n’est pas méritée, cette violence devient une sorte de vengeance du bas peuple face à la mesquinerie et à l’hypocrisie des riches. Evidemment, rien ne justifierait de telles atrocités dans le monde réel, mais dans ce film, cette lutte des classes prend un certain sens, et va aller crescendo dans un climat tendu qui deviendra explosif!

La rivalité entre classes sociales, le racisme, le sexe, tous ces éléments vont être traités par Ruggero Deodato et ses scénaristes Gianfranco Clerici et Vincenzo Mannino, avec un soin très particulier et une vision très percutante. Cette soirée va être l’occasion de faire tomber les masques et de découvrir la vraie nature des protagonistes, dans un jeu mortel qui va faire de nombreuses victimes. David Hess hérite encore d’un rôle très marquant, et s’en sort à merveille, lui qui joue les psychopathes avec une aisance déconcertante! Ruggero Deodato soigne son film en y apposant une atmosphère de plus en plus confinée, et en augmentant la tension avec une très grande maîtrise. On n’atteint peut-être pas le rang d’oeuvre maîtresse du genre, mais La Maison au Fond du Parc est une pièce de choix dans le cinéma transalpin des années 80!

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