Personnage séminal qui aura inspiré de nombreux rôles de flics badass, Harry Callahan est la digne représentation contemporaine du cow-boy solitaire magnifié par Clint Eastwood dans ses westerns. L’Homme sans Nom de Sergio Leone a investi les bas-fonds sordides de San Francisco, adepte d’une justice expéditive rarement appréciée par sa hiérarchie. Cynique, taciturne et plus rapide que son ombre, Harry Callahan a le don de régler les problèmes de quartier à coups de . 44 Magnum, arme indissociable du héros de la saga puisqu’il l’utilisera dans les 5 films. La réplique mythique du début du film souligne d’ailleurs tout le bien qu’il pense de cette arme:
« Je sais c’que tu penses: c’est 6 fois qu’il a tiré ou c’est 5 seulement? Si tu veux savoir dans tout ce bordel j’ai pas très bien compté non plus. Mais c’est un .44 Magnum le plus puissant soufflant qu’il y ait au monde un calibre à vous arracher toute la cervelle. Tu dois t’poser qu’une question: est-ce que j’tente ma chance? Vas-y tu la tentes ou pas? »
Clint Eastwood est parfait dans ce rôle qu’il endosse sans aucune difficulté, mélange d’anti-héros et de héros tragique. On ne connaît pas grand-chose de son passé, sinon qu’il a vécu un drame personnel qui a probablement accentué son côté cynique. Mais Dirty Harry (Harry le Charognard en VF) doit également beaucoup à l’excellente mise en scène du vétéran Don Siegel, 58 ans lors du tournage et réalisateur depuis le milieu des années 40. La manière dont il nous plonge dans le Frisco des années 70 est épatante, offrant un panorama de toute cette société cosmopolite oeuvrant dans les bas-fonds de la ville, accentuant la portée de son propos par un réalisme social accru. Sa caméra dynamique offre une vision impressionnante de cette mégapole nocturne, et l’on suit les enquêtes de Dirty Harry avec beaucoup d’intérêt. D’autant plus que le tueur surnommé le Scorpion (Drive?) est un pur psychopathe qui passe entre les mailles du filet, et qu’il faudra bien une personnalité forte comme Callahan pour tenter de le neutraliser.
Andrew Robinson est excellent dans le rôle du Scorpion, personnage complètement barré qui se la joue sniper fou avec délectation. Si sa demande de rançon n’aboutit pas, il compte bien éliminer 1 personne chaque jour… La police est sur les crans, et va essayer coûte que coûte de mettre la main sur lui. La scène d’intro est sublime en donnant le ton qui se maintiendra durant tout le film: un suspense bien troussé, une mise en scène géniale, un aspect bad ass résolument assumé, et une putain de bande-son signée par le surdoué Lalo Schifrin! Difficile de rivaliser avec les sonorités jazzy du mythique argentin, qui calent le personnage d’Harry avec classe!
Premier volet d’une saga qui perdurera jusqu’à la fin des années 80, L’Inspecteur Harry est une pure pépite du cinéma 70’s américain, nous plongeant dans cette période tourmentée qui aura donné naissance à de nombreuses oeuvres contestataires et souvent excellentes!