On s’abandonne souvent dans des oeuvres cinématographiques afin de ressentir des émotions qui nous sont inaccessibles dans notre quotidien, et qui nous font l’effet d’une intense bouffée d’air frais, d’un frisson prolongé ou d’une intense plénitude. Dans ce Au plus profond signé par la réalisatrice irlandaise Laura McGann, on va ressentir l’ensemble de cette palette émotionnelle en suivant le parcours hors norme de 2 plongeurs apnéistes, l’italienne Alessia Zecchini et l’Irlandais Stephen Keenan. La beauté et la force de ce film en font l’une de mes plus belles découvertes de ces dernières années, en mettant en lumière un sport que je ne connais pas du tout, et qui possède une aura dangereuse et attractive que l’on ressent pleinement dans ce superbe documentaire.
La particularité des sports extrêmes se résume très souvent en une seule caractéristique : ils nous mettent face à des personnages habités par une passion qui transcende leur existence de simple mortel, et qui leur donne une vision de l’existence très différente du commun des mortels. On ressentait pleinement cet état de fait dans le sublime Free Solo de Jimmy Chin et Elizabeth Chai Vasarhelyi sorti en 2018, qui nous présentait la personnalité unique d’Alex Honold, l’un des grimpeurs en free solo (sans être assuré) les plus réputés du monde. On voyait dans ce doc qu’à chaque inspiration, Alex vivait pour ce sport, et Free Solo fait partie des documentaires les plus magnétiques que j’ai pu voir. Dans Au plus profond, on va découvrir que chaque inspiration d’Alessia et de Stephen sont consacrées à leur propre passion.
Les documentaires sur les sports extrêmes possèdent eux aussi une particularité : ils bénéficient très souvent d’images somptueuses, magnifiant une nature pouvant être tour à tour d’une beauté éblouissante et d’une indicible cruauté. Laura McGann nous livre une oeuvre qui va chercher au plus profond de ces sensations et de ces émotions que procurent la pratique d’un tel sport, nous plaçant en tant que spectateurs privilégiés de cette quête d’absolu renversante, en suivant 2 âmes humaines tirées par une force invisible qui va les mener de plus en plus loin. Laura McGann va utiliser de nombreuses images d’archives afin de nous raconter les histoires d’Alessia et de Stephen, et va également filmer d’autres adeptes de ce sport afin qu’ils mettent en mot ce que l’on peut ressentir dans ces moments d’intense solitude au fond de l’océan. On va découvrir des endroits somptueux, comme le Trou Bleu aux Bahamas ou Dahab en Egypte, des endroits à l’apparence idyllique, mais qui peuvent également s’avérer très cruels.
Le choix de raconter cette histoire de manière parallèle est très beau, et on va alterner entre les vies des 2 plongeurs, chacun à un bout du monde, mais comme si un fil invisible et immatériel allait les relier un jour. La vision de la réalisatrice va permettre de nous faire comprendre ce qu’Alessia et Stephen ressentaient lors de leurs différents périples, elle ayant découvert la plongée depuis son plus jeune âge, lui rêvant de devenir explorateur dès son enfance. Des chemins au départ éloignés, mais qui se rejoindront un jour… De belles émotions se dégagent de cette approche très intimiste, permettant d’aller bien au-delà du simple fait de relater un événement sportif.
On va découvrir le milieu de la plongée en apnée avec ses champions et ses championnes, dont notamment Natalia Molchanova, athlète russe considérée comme une légende de la discipline. On va comprendre les immenses difficultés de cette pratique, en apprenant qu’au bout de 30 mètres de profondeur, la pression fait que l’on descend tout seul, et que la remontée demande un grand effort, comme si l’on nageait à contre-courant. Des données qui augmentent le respect que l’on peut avoir pour ses sportifs, qui repoussent sans cesse leurs limites pour descendre le plus profond possible. Voir Alessia s’enfoncer dans les ténèbres au fur et à mesure de sa progression est réellement impressionnant, et ce documentaire parvient à retranscrire toutes les difficultés et toute la beauté de cette discipline, sans pour autant masquer les dangers qui sont inhérents à cette pratique. Voir Alessia remonter et faire une syncope lors de la première plongée du film crée un certain choc, et va rendre le spectateur d’autant plus attentif à la suite du film.
Je ne vous en dirai pas davantage sur cette oeuvre, ce film doit se ressentir de manière personnelle, car il nous raconte le destin de 2 êtres ayant décidé de consacrer leur vie à leur passion. Le terme « décidé » n’est en fait pas correct, car cette vie ne relève pas d’une décision consciente, mais est la conséquence d’une puissante force intérieure poussant à aller vers cette passion. Vous allez suivre 2 existences exceptionnelles, avec son lot de joies, de déceptions, de dépassement de soi, de tragédies… Ce que l’on cherche souvent à ressentir dans un film de fiction, et qui s’avère tellement plus puissant dans un documentaire de cette qualité!