Les Français ont le don de choisir des titres totalement pourris quand il s’agit de vendre un film américain… Avec Le pire Voisin au Monde, on s’attend à une comédie du genre Nos pires Voisins, ce qui est clairement intentionnel de la part des distributeurs. Mais il n’en est rien, et ce A Man called Otto dans la langue de Shakespeare, s’il est traversé par quelques moments absurdes, est davantage tourné vers le drame intimiste. On est loin des Banlieusards de Tom Hanks 😉 Il faut dire qu’avec le nom de Marc Forster à la réalisation, on avait du mal à penser qu’il puisse s’agir d’une comédie, lui à qui on doit A l’Ombre de la Haine, Les Cerfs-Volants de Kaboul, Quantum of Solace ou World War Z. Forster est tourné soit vers un cinéma très intimiste et social, soit vers l’action pure.
Il va avec ce pire Voisin au Monde nous raconter le quotidien d’un retraité irascible et bougon, incarné par Tom Hanks. Otto vit dans un quartier fermé d’une petite ville américaine, et se charge d’inspecter chaque jour si les résidents appliquent le règlement, en ne se privant pas de les réprimander au besoin. Il semble bien qu’Otto n’ait pas la capacité de sourire tant son visage reste impassible et fermé. On va rapidement apprendre pourquoi il mène une existence aussi solitaire et aigrie, et l’arrivée de voisins plein de vie (et d’enfants ^^) va l’obliger à remettre à plus tard les projets qu’il a en cours. Il ne s’agit probablement pas du meilleur rôle de Tom Hanks, qui use d’un mode très monolithique, mais l’acteur parvient avec ce personnage particulier à nous faire ressentir ce qui le remue intérieurement.
L’actrice mexicaine Mariana Treviño apporte une énergie contrastant beaucoup avec l’attitude d’Otto, et il va faire la connaissance de toute cette famille avec un bel agacement au départ, qui va peu à peu se muer en une certaine tendresse distante qui ne veut pas s’avouer. Si le film repose sur un scénario appelant des passages obligés, Marc Forster va être très bon dans sa manière d’exposer les blessures d’Otto. Sa façon de mettre en avant quelques objets, de jongler entre le présent et le passé, va nous permettre de découvrir qui était Otto avant qu’il ne devienne cet homme d’apparence dur et insensible, et Forster le fait avec une certaine élégance. Cela contraste avec les quelques passages obligés comme lorsque Otto aide un homme à la gare par exemple, mais les moments où ce vieux grincheux cherche une délivrance s’avèrent très touchants. On appréciera également de retrouver Rachel Keller, qui était déjà lumineuse dans Legion!
Le pire Voisin au Monde est une sorte de drame intimiste saupoudré de quelques éléments absurdes, et il se regarderait comme un film lambda s’il n’y avait pas cette profondeur dans l’exploration silencieuse de l’âme de cet homme dénommé Otto. Tom Hanks convoque un mélange de froideur et de tristesse apportant un côté universel au personnage, et qui fait de ce film un questionnement sur le temps qui passe, sur la vieillesse et sur la mort. Des sujets pas forcément très attractifs (on est donc loin de Nos pires Voisins!), mais avec la patte du metteur en scène germano-suisse Marc Forster, ce film nous touche en plein coeur à de nombreuses reprises!