Le Manuscrit de Birkenau (J.R. Dos Santos, 2020)

1 an après la parution du Magicien d’Auschwitz, J.R. Dos Santos achevait son diptyque avec Le Manuscrit de Birkenau. Herbert Levin, alias le Grand Nivelli, n’est que peu de choses face au rouleau compresseur nazi, lui qui dans le civil était un illusionniste réputé. On le retrouve dans le camp de travail d’Auschwitz, alors qu’il est séparé de sa femme et de son fils, lesquels peuvent heureusement encore vivre ensemble. On va assister à leurs brèves retrouvailles chaque jour à l’intérieur du camp des familles, seul moment légèrement lumineux dans leur existence de plus en plus sombre. Parallèlement à Levin, on va retrouver le soldat portugais Francisco, enrôlé chez les SS, et qui avait retrouvé sa belle Tanusha. La superbe jeune femme a subi les atrocités du camp, et a été affectée à la fois physiquement et psychologiquement… Les retrouvailles sont un choc pour Francisco, mais il va tout faire pour venir en aide à celle qu’il aime…

On monte de plusieurs crans dans l’intensité de ce drame humain à peine croyable, et Dos Santos va nous guider avec une grande acuité dans cette antichambre de l’Enfer. Si Le Magicien d’Auschwitz apparaissait comme un témoignage un peu distant, l’émotion submerge davantage le lecteur dans ce second roman. On va assister à des événements qu’aucun être humain n’aurait à devoir vivre, et l’auteur va nous mêler à ces victimes afin de comprendre comment elles ont pu supporter tant de sévices et d’exactions. Tout au fond de cette noirceur, il va aller chercher l’étincelle poussant un individu à se battre encore pour survivre, ne serait-ce que quelques minutes, voire quelques secondes de plus. Au fond de l’abîme, il va partir en quête de cet ultime volonté humaine lui permettant de dépasser ce type d’expérience…  On a d’ailleurs un monologue sublime fait par un prisonnier, lorsqu’il tente de redonner de la force à Levin…

Lorsque on parle de la Shoah, on l’analyse souvent de manière manichéenne, avec les Nazis tous sangunaires et les Juifs tous exemplaires. Mais ce roman, se basant une fois encore sur des recherches très précises, va nous parler de certaines vérités dérangeantes… En utilisant la figure de Levin, Dos Santos va nous faire suivre le quotidien d’un Sonderkommando, un centre d’extermination, dans lequel les prisonniers présents avaient pour travail de mener leurs compatriotes aux chambres à gaz, et ensuite d’en sortir les corps pour les emmener aux fours crématoires… Lorsque Levin est affecté à un des sonderkommandos, on va découvrir une réalité des plus déchirantes, avec un regard frontal sur ce qui se passait à Birkenau. C’est inimaginable de se dire que l’esprit humain a pu gérer ce type de situation, et Dos Santos nous montre de la manière la plus crue comment cela a été possible.

La lecture de ce roman n’a pas été aisée, car il fallait de temps en temps couper afin de reprendre un peu ma respiration. Comme l’explique l’auteur en appendice, on ne peut pas expliquer réellement les souffrances vécues par les prisonniers, on ne peut que s’en rapprocher un peu, mais ce peu est déjà suffisamment atroce pour être perturbant… La fin avec un manuscrit (fictif) est difficilement supportable, et se rapproche au plus près de ce qu’ont pu endurer ces victimes anonymes… Le seul bémol selon moi, c’est que l’auteur aurait dû indiquer au départ que ce manuscrit était fictif, bien que très inspiré par les quelques manuscrits réels retrouvés sur les lieux. Ces manuscrits sont des textes rédigés par des prisonniers du sonderkommando, qui savaient qu’ils n’allaient pas s’en sortir, et qui ont voulu coucher sur papier leur expérience, afin que leur parole soit sauvée au-delà de la mort. Ca m’a évidemment donné envie de les lire, et on peut les trouver sous le recueil Des Voix sous la Cendre.

Ce roman reste très prenant car il va au-delà du manichéisme, pour nous parler de la réalité inhumaine de ces camps. Avec certains soldats SS qui parfois cherchaient à aider les prisonniers, mais aussi des prisonniers qui n’hésitaient pas à être violents avec leurs compatriotes… Il y a un mélange allant plus loin que la surface noire et blanche, et on y trouve des failles des 2 côtés… Ce Manuscrit de Birkenau nous touche au plus profond, et donne envie de se renseigner davantage sur ces écrits inestimables…

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