La paire Gerard Bush+Christoper Renz s’active depuis 4 ans dans le domaine du court métrage, nous livrant parfois jusqu’à 4 réalisations par année. Le duo mixte (Gerard Bush est noir, Christopher Renz est blanc) s’intéresse particulièrement aux questions sociales, et leur premier long métrage va être une vision extrêmement frontale du racisme aux Etats-Unis. Le film peut très clairement se scinder en 3 parties, et la première s’avère très immersive émotionnellement, avec cette relecture de l’Amérique confédérée. On va assister à la terrible réalité de la condition des Noirs dans les années 1860, Gerard Bush et Christopher Renz créant un climat immédiatement délétère et dont ils gèrent parfaitement le cadre. Le plan-séquence ouvrant le film démontre à quel point les auteurs maîtrisent à la fois la forme et le fond de cet Antebellum, qui va rapidement étouffer le spectateur avec son réalisme cru teinté de beauté picturale.
Antebellum s’inscrit parfaitement dans l’air du Black Lives Matter, et il le fait en posant de vraies émotions et en choisissant une approche innovante. On se retrouve pris dans un film qui s’avère bien plus captivant que le surestimé 12 Years a Slave de Steve McQueen. L’approche de Bush et Renz est celle d’un drame aux relents de thriller, et cette inscription dans le film de genre va donner une belle énergie au métrage. On va donc suivre l’existence d’Eden et de la communauté noire travaillant dans cette plantation, rythmée par la cueillette dans les champs de coton et les multiples exactions subies chaque jour. La brutalité et la cruauté des dirigeants blancs donne très envie de les voir souffrir, et cette vision tranchée correspond certainement à la réalité de l’époque. On est pris aux côtés d’Eden et de ses compatriotes, dans un récit où le seul espoir réside dans la possibilité d’une fuite.
La seconde partie va s’attacher à une militante noire lors d’une de ses soirées de conférence, en distillant par petites touches la différence de traitement entre Blancs et Noirs à l’époque actuelle. Janelle Monaé, star de soul music (dont je vous avais déjà parlé ici), prend son rôle très à coeur et va interpréter cette femme luttant contre la discrimination raciale avec une belle force. Il faut dire que l’actrice gère également de manière très intense le rôle d’Eden dans la première partie, et ce jeu de temporalités va donner une lecture intriguante et étonnante au long métrage. Bush et Renz vont parvenir à apporter un éclairage original sur le thème de l’esclavagisme, qui va s’avérer puissant et très immersif.
Le troisième acte vient résoudre cette évocation de cette époque atroce et de ses répercussions, et le fait d’une manière qui aurait méritée d’être un peu moins expéditive. Mais à travers les actes d’Eden, on ressent des siècles de frustration et une vision très symbolique pour l’ensemble de la communauté noire, notamment avec cette image d’une Statue de la Liberté alternative proposée par Janelle Monaé. On se retrouve clairement dans un acte de vengeance qui rapproche l’oeuvre de certains films de blaxploitation, et on regrettera quelques éléments scénaristiques plus faibles (en général quand on entend des cris, il y a des gens qui accourent, surtout dans un domaine comme une plantation sudiste où les tensions sont permanentes) qui amoindrissent un peu l’impact de cette fin. Mais l’ensemble reste captivant malgré cela, et on ressort de ce film avec l’impression d’avoir été secoué à travers les époques et avoir été témoin d’une réalité déchirante de manière très frontale.
Si l’on peut se dire que le producteur Jason Blum est un sacré opportuniste sur les thématiques sociales depuis le très surestimé Get Out de Jordan Peele, il faut bien avouer qu’il a le flair pour les projets intéressants, et cet Antebellum propose une vision de l’esclavagisme qui secoue vraiment le spectateur, et qui se dote en plus d’atouts cinématographiques forts!