Body Snatchers, l’Invasion continue est un film totalement ancré dans son époque, nous offrant un récit et un caractère visuel calqués sur la mythique série X-Files: aux Frontières du Réel, apparue elle aussi en 1993. Le film d’Abel Ferrara pourrait être une extension du show de Chris Carter, tant les thèmes et le traitement sons similaires. Au début des années 90, les extraterrestres avaient la côte, et ce sont sans aucun doute possible Mulder et Scully qui ont relancé cet engouement!
Body Snatchers, l’Invasion continue est la 3ème adaptation du roman de Jack Finney L’invasion des Profanateurs, paru en 1955. Il fait suite à L’Invasion des Profanateurs de Sépulture (Don Siegel, 1956), L’Invasion des Profanateurs (Philip Kaufman, 1978), et sera suivi par Invasion d’Oliver Hirschbiegel et James McTeigue (ce dernier n’étant pas crédité au générique, mais ayant mis en scène les reshoots demandés par le studio, qui n’était pas satisfait par le travail d’Hirschbiegel). Si le titre français indique que le film est une suite à celui de Philip Kaufman, aucun élément narratifs ne fait le lien avec, et cette version est donc au final un nouveau film indépendant des autres.
Abel Ferrara vient de livrer 2 de ses films les plus reconnus, King of New York en 1990, et le bien trash Bad Lieutenant en 1992. Le voir arriver sur un projet d’adaptation littéraire change la donne, mais il embarque avec lui Nicholas St John, son scénariste fétiche avec qui il bossait depuis son premier court métrage en 1971, et qui l’a suivi jusqu’à Nos Funérailles en 1996. On trouve aussi à l’écriture Larry Cohen et Stuart Gordon, le premier étant le scénariste de la trilogie Maniac Cop, et le metteur en scène du très bon Meurtres sous Contrôle; le second ayant réalisé Re-Animator. Des scénaristes oeuvrant dans le genre depuis un bon bout de temps, et dont l’expérience est profitable pour que le film ait un impact fort!
Ferrara utilise une mise en scène qui lui est moins personnelle, et se fond en quelque sorte dans la tendance SF du moment, dont il gère pourtant très efficacement les codes. De nombreuses scènes renvoient aux belles heures d’X-Files: aux Frontières du Réel, avec notamment ces éclairages si caractéristiques, avec ces spots puissants derrière des volets pas totalement fermés, et apportant une lumière striée dans une pièce plongée dans la pénombre. C’est une vision résolument 90’s, qui contribue efficacement à l’atmosphère tendue souhaitée par le réalisateur. Les scènes où les doubles extraterrestres pointent du doigt les humains en poussant leur hurlement guttural sont là encore très caractéristique, et offrent des éléments graphiquement forts.
Quand la jeune Marti Malone (Gabrielle Anwar, alors en pleine ascension après avoir donné la réplique à Al Pacino dans Le Temps d’un Week-End), débarque avec sa famille recomposée dans une base militaire pour quelques mois, afin que son père puisse effectuer des tests sur les produits chimiques utilisés par les militaires, elle va rapidement se rendre compte que quelque chose cloche avec les gens. C’est même son petit frère qui va s’en rendre compte en premier, avec notamment cette scène là encore très forte où tous les enfants dessinent à la garderie. Abel Ferrara instille une menace latente mais persistante dans chaque recoin de cette base, et l’oppression va se faire de plus en plus palpable.
L’invasion extraterrestre se fait en silence, par la réappropriation des traits physiques des individus, dont les corps sont ensuite détruits. La substitution se fait en masse, et profite du sommeil des victimes. Le parallèle avec Les Griffes de la Nuit est à ce titre très marqué, le boogeyman du chef’d’oeuvre de Wes Craven ne pouvant atteindre ses victimes que dans leur sommeil lui aussi. Mais l’hommage est également flagrant avec la scène du bain, où Marti se fait agresser par un extraterrestre. Il y a visuellement de belles similitudes, et une tension tout aussi réussie!
Ca fait très plaisir aussi de retrouver Forest Withaker, dans un rôle de paranoïaque qu’il gère très efficacement, et Meg Tilly est vraiment flippante! Abel Ferrara met en scène une adaptation très réussie du bouquin de Jack Finney, et ce qui constitue pour lui une sorte de film de commande s’avère très prenant!