Re-cycle (Oxide Pang, Danny Pang, 2006)

Après la trilogie The Eye, les frangins Pang ont réalisé ce Re-cycle qui est très certainement l’une de leurs oeuvres les plus abouties, nous plongeant dans un récit complexe et étonnant, emmené par leur actrice fétiche, la sublime Angelica Lee, accessoirement mariée avec Oxide! Re-cycle propose tout d’abord une histoire de fantôme contemporaine classique mais dotée d’une mise en scène très maîtrisée, créant une atmosphère angoissante et donnant lieu à des séquences bien flippantes, le savoir-faire aguerri des frangins n’étant plus à prouver. L’histoire de cette romancière à succès entamant son nouveau bouquin et qui se retrouve aux prises avec une mystérieuse présence dans son appartement donne une ghost story très moderne et innovante, accentuée par par la fragilité du personnage, Tsui étant minée par une vieille histoire d’amour.

La subtilité dans l’écriture ainsi que dans la mise en scène permet encore une fois aux frangins de tirer leur film vers le haut, et ils enrichissent encore leur scénario par une interrogation sur la force du travail même de la jeune femme, qui donne corps à son récit à travers sa plume (enfin son clavier, on est au 21ème…). La mise en relation entre le monde abstrait et le réel va se faire peu à peu, et ce glissement est effectué avec beaucoup d’intelligence par les frangins, capables de filmer le processus de création comme personne (ce qu’ils avaient déjà fait avec le très remarquable Ab-normal Beauty, en se penchant alors sur l’art photographique). Le travail même d’écriture prend tout son sens avec le travail conjoint sur l’image et le son, Oxide et Danny ne laissant rien au hasard dans leur évocation.

Et d’un coup, sans être prévenu, on est balancé dans un univers totalement autre, à la croisée des rêves et des cauchemars. Passé le temps d’acceptation de cette rupture radicale, on découvre un monde étrange et inquiétant, recelant une beauté fragile risquant de se consumer au contact des êtres morbides qui le peuplent. Visuellement, cette création est véritablement impressionnante, et l’on est littéralement projeté dans une sorte de Pays des Merveilles dénaturé, duquel l’héroïne va tenter de s’extraire en suivant un parcours digne d’un conte. Elle va rencontrer des gens qui vont lui venir en aide, affronter des créatures cauchemardesques, et au bout d’un voyage finalement initiatique, va se retrouver transformée… Ce film très impressionnant opère une certaine rupture avec le cinéma auquel les frères Pang nous avaient habitués, tout en constituant une évolution logique. La richesse de leur univers est impressionnante, et leur créativité donne lieu à des images que n’aurait pas renié Giger! Chaque détail a du sens, et les implications multiples dans ce monde offrent une cohésion d’ensemble très solide, donnant à leur travail graphique une identité forte. Et qu’est-ce que c’est beau! Les thèmes de l’enfance, de la mort, de l’oubli sont traités avec une inventivité folle et une maîtrise totale, faisant de ce Re-cycle une oeuvre incontournable du cinéma asiatique! Les frangins figurent sans aucun doute parmi les cinéastes hong-kongais les plus captivants, et la découverte de l’ensemble de leur oeuvre est un vrai régal!

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