Reporter spécialisé dans les domaines de l’Histoire et de la géographie, le Français Thomas Johnson sillonne le monde depuis 1982 pour nous faire découvrir des horizons lointains, des crises majeures au niveau géopolitique ou encore la vie parmi des tribus reculées. Jusqu’en 1992, il officie dans la presse écrite, puis entame une autre approche de son métier en mettant en scène des reportages toujours axés sur des faits de société ou des moments marquants de notre Histoire. En 2006, il revient sur ce désastre humain et écologique ayant ravagé tout un pan de l’Ukraine, et dont les répercussions se sont fait sentir par-delà les frontières… Aujourd’hui, les stigmates sont toujours visibles sur le territoire ukrainien, notamment dans la zone d’exclusion de 30 kilomètres carrés qui sera encore interdite d’habitation pour très longtemps…
Le 26 avril 1986, à 1h23 du matin, se produit une explosion sans précédent à la centrale Lénine située à 15 kilomètres de la ville de Tchernobyl. Suite à un dysfonctionnement dans le réacteur 4 ainsi qu’à plusieurs erreurs humaines, la dalle de béton recouvrant ce réacteur est éjectée et va retomber sur celui-ci, le fissurant et laissant éclater un incendie, tout en laissant évacuer des matières nucléaires dans l’atmosphère. Le fameux nuage de Tchernobyl prend forme, et va véhiculer des quantités astronomiques de particules radioactives. L’URSS et le monde ne le savent pas encore, mais la pire catastrophe nucléaire de l’Histoire (répertoriée de niveau 7, le plus élevé) vient de se produire. Dans la ville de Pripiat située à 3 kilomètres et abritant les familles des travailleurs de la centrale, l’alerte ne sera donnée que le lendemain, et l’évacuation n’aura été faite qu’après 30 heures…
Thomas Johnson revient sur cette tragédie en s’appuyant sur de nombreux documents d’archives et sur des interviews de personnes politiques ou scientifiques ayant vécu cette catastrophe. Le témoignage du chef d’état Mikhaïl Gorbatchev est à ce titre très intéressant, démontrant l’opacité du pays communiste et la gestion désastreuse de la crise. Il n’est lui-même prévenu de l’ampleur de la catastrophe que le lendemain, après avoir eu recours au service de renseignement du KGB. Ce drame sera un élément prépondérant dans la politique de glasnost (transparence) de Gorbatchev, qui souhaite une réforme complète du pays, et qui va se tourner vers l’Occident.
En suivant la chronologie inéluctable des événements, Thomas Johnson va nous plonger au coeur de la tourmente en montrant la réalité dramatique vécue par des milliers de citoyens russes. Entre les populations évacuées de Pripiat à qui on explique qu’ils seront de retour d’ici 2-3 jours, les 100 000 militaires et les 400 000 civils qui interviendront sur le site au péril de leur vie sans qu’on leur explique les dangers réels auxquels ils sont confrontés, où les scientifiques oeuvrant pour parvenir à contenir cette catastrophe, La Bataille de Tchernobyl s’avère être un documentaire plus que remarquable parvenant à capter les enjeux et les angoisses de cet événement. Les images du gouffre prises par les autorités et les journalistes sont saisissantes, et le témoignage des personnes s’étant approché de ce lieu devenu infernal est impressionnant. L’émotion suscitée n’a rien de voyeuriste, mais relate au contraire ce drame de manière globale et intimiste, liant les efforts personnels et désintéressés de ces héros afin de sauver le monde.
Car si la catastrophe a éradiqué tout un pan de l’Ukraine, l’incendie s’étant déclaré dans le réacteur 4 se devait d’être éteint, car un danger encore plus grand menaçait dans les sous-sols. La dalle de béton située sous le réacteur s’est fragilisée, et l’eau utilisée par les pompiers pour venir à bout de l’incendie s’est retrouvée piégée. Si cette dalle cédait, le coeur en fusion allait se retrouver en contact avec l’eau, ce qui créerait une explosion 50 fois plus forte que celle d’Hiroshima, dévastant le pays dans un rayon de 300 kilomètres, et contaminant l’Europe entière dans laquelle toute vie aurait été impossible.
Les moyens mis en oeuvre pour arrêter le flux radioactif et empêcher le magma du coeur d’exploser ont conduit à un travail de fourmi, et ce combat de l’Homme face à cette force dénaturée est tout simplement impressionnant. Quand on voit ces liquidateurs, chargés de venir à bout des matières radioactives disséminées sur le site, se relayer sur les toits du bâtiment 3 pour jeter 2 infimes pelletées de matière alors qu’il n’ont que 45 secondes pour faire leur travail, on se rend compte de l’ampleur monumentale de la tâche et de l’abnégation totale de ces hommes. Ces images marquantes prises dans cette atmosphère de mort résonnent encore longtemps après la vision de ce documentaire, mettant en avant la bravoure de ces héros, dont la plupart mourront rapidement après l’accident.
Il est très difficile de décrire réellement ce qui s’est passé ce jour-là aux abords de Pripiat, mais l’investigation de Thomas Johnson nous permet de comprendre totalement la nature et la portée des événements. Des visions cauchemardesques du monstre éventré aux images de la ville-fantôme, Johnson nous explique tout ce qui s’est passé, avec une vision claire et directe. Et quand on sait qu’aujourd’hui, la faune et la flore ont repris leur droit en ces lieux en luttant de manière extraordinaire contre la radioactivité, on se dit que la nature est capable d’exploits exceptionnels, tandis que l’homme peut l’éradiquer en quelques secondes…
T’es à fond sur Tchernobyl en ce moment ^^
C’est Chroniques de Tchernobyl qui m’a donné envie d’en savoir plus, et ce documentaire est impressionnant! J’en ai vu un autre où tu vois que la faune et la flore se développent malgré les taux de radiation élevés, c’est très paradoxal!