Cela faisait un petit moment que je ne m’étais pas replongé dans un roman de Maxime Chattam (4 ans depuis l’excellent L’Illusion), et la boîte à livres à mon boulot s’avère plutôt sympa ^^ Je suis donc tombé sur La Promesse des Ténèbres, qui va raconter l’enquête d’un journaliste, oeuvrant habituellement sur des sujets plus légers, notamment pour le National Geographic, et qui va cette fois-ci se retrouver embarqué dans un récit très sombre. C’est par le biais de son ami Pierre que Brady va aller interroger une jeune femme travaillant dans l’industrie du porno, et cette rencontre va être le point de départ d’une descente dans les tréfonds de l’âme humaine…
Le récit se déroule dans la ville tentaculaire de New York, et il ne va pas se concentrer sur le sommet de l’iceberg du porno, avec son côté clinquant et ses stars, mais sur l’aspect underground de cette industrie, celui qui va chercher ses actrices dans les endroits moins reluisants et où les violences physiques et psychologiques sont bien plus présentes. En se focalisant sur l’histoire de la jeune Rubis, Brady va s’immiscer dans un monde dont il ne connait pas les codes et dont il ne soupçonnait pas l’intensité des dérives. A ses côtés, on va plonger dans une New York très loin des strass et des paillettes, pour côtoyer la fange des rues sordides et rencontrer la lie de l’humanité…
Parallèlement à l’enquête de Brady, on va également s’intéresser au travail de sa femme, Annabel, qui officie pour la police de New York, et qui s’occupe de cas de suicides de jeunes femmes. Maxime Chattam parvient très rapidement à créer un climat glauque en entremêlant ses intrigues, mais il ne tombe pas dans le voyeurisme et on se retrouve totalement happé par ce roman, qui cherche à explorer les failles humaines et les questionnements que chacun peut avoir sur sa sexualité et son rapport aux autres, par le biais de cette bestialité qui ensauvage la ville. En se confrontant aux âmes dénuées de toute valeur morale qu’il va croiser, Brady va chercher à comprendre son propre fonctionnement, notamment dans sa relation avec Annabel.
Sous le couvert de cette enquête sur fond de porno, Chattam va tenter de comprendre comment l’homme doit gérer ses pulsions pour ne pas faire craquer la couche de vernis social, et comment le cerveau primal doit composer avec les valeurs morales de la société pour aboutir à une sexualité épanouie. Il va se rapprocher dangereusement d’un groupe d’individus qui n’ont aucune de ses barrières morales, et pour qui la jouissance absolue n’a aboslument aucune limite… Brady va dangereusement vaciller dans cette enquête, d’autant plus qu’il tient à ne rien dévoiler à sa femme afin de la protéger. Mais quand l’étau se resserre autour de lui et de son couple, il va devoir aller encore plus loin dans le dédale de l’esprit humain, tout en s’enfonçant dans les tréfonds de la ville…
« Manhattan. Une île jadis couverte de marais, de petites collines cernées de canaux et de sentiers indiens. La croûte de bitume, de béton et de verre qui la recouvrait désormais n’avait pas seulement fait disparaître ce territoire sauvage mais aussi son souvenir. La foule qui s’y pressait arpentait Canal Street ou Broadway comme s’il s’agissait d’artères ayant toujours existé comme telles : sûres, lisses et brillantes de guirlandes de Noël. »
« Kermit et Brady descendaient une rue sous les façades lépreuses, les palissades branlantes fermant des terrains à l’abandon en guise de jardins, et des ruines en attente de destruction pour aires de jeux. Le borough s’était vu promettre une rénovation qui tardait à venir. Red Hook consistait en une vaste machine à remonter le temps. Ici, le New York suintant et sauvage des années 70 baignait encore dans son jus. » Au-delà de l’enquête ténébreuse de Brady, Maxime Chattam nous convie à une étrange balade à travers les quartiers les plus glauques de New York, prenant le pouls de ces endroits laissés à l’abandon et de ses habitants délaissés. Loin de Central Park et de la 5ème avenue, on va s’aventurer dans des zones rarement explorées mais qui sont les antichambres du Mal rongeant la Grosse Pomme. En tentant de comprendre comment la psyché humaine peut tomber aussi bas dans la perversité, Chattam va lier cette exploration psychologique aux errements à travers ces endroits désolés dans lesquels la population ne vit pas selon les mêmes codes.
La Promesse des Ténèbres met en lumière les dérives d’une industrie dans laquelle les ascendants et les menaces psychologiques sont très courants, et qui découlent naturellement sur des violences physiques. La figure de Leonard Ketter est très représentative de ce type d’individus jouant les producteurs et étant davantage des macs qui vont obliger les femmes qu’il a sous son influence à aller de plus en plus loin lors des tournages, car là où certains hommes se contentent de porno classique, d’autres sont demandeurs de films bien plus hards, avec des actrices qui vont subir des actes de plus en plus difficiles. Et quand le sexe se pare de violence, la limite est très vite franchie pour ces jeunes femmes qui se retrouvent totalement à la merci des désirs inavouables de certains hommes…
La Promesse des Ténèbres n’édulcore pas son propos, et va intelligemment le doubler avec un sujet très étonnant mais que je ne peux pas dévoiler sous risque de spoiler! Mais cette descente aux enfers va également s’intéresser à un pan de l’histoire de New York totalement méconnu et qui mérite d’être découvert! Encore un superbe roman de l’excellent auteur français, allez, j’attaque La Conjuration Primitive maintenant ^^