A l’Automne, je serai peut-être Mort (Adrian McKinty, 2003)

Je viens à peine de découvrir l’existence de cet excellent auteur irlandais, et j’enchaîne ses oeuvres sans pouvoir m’arrêter. Après avoir dévoré Traqués puis La Chaîne, je me suis lancé dans un projet un peu plus ambitieux, en m’attaquant à sa trilogie Michael Forsythe qui court de 2003 à 2007. J’ai terminé il y a quelques jours le premier tome et je n’ai pas pu m’empêcher de déjà bien avancer dans le second ^^ Ce premier roman dédié au jeune Michael Forsythe possède un titre à la fois sombre et poétique renvoyant à une chanson de F.E. Weatherly, Danny Boy, datant de 1910, qui contient la phrase « Dead I will may be », qu’Adrian McKinty utilise pour donner son titre original à ce roman. La traduction française est donc légèrement plus poétique en se nommant A l’Automne, je serai peut-être Mort.

Je ne savais pas du tout dans quoi j’allais m’engager avec cette trilogie, mais je me doutais que l’on s’éloignerai de l’urgence et de la radicalité de Traqués et de La Chaîne. Le roman démarre sur la vie d’un jeune Irlandais d’une vingtaine d’années, qui va devoir quitter son pays natal et émigrer aux Etats-Unis, ce qui est un parallèle amusant avec la trajectoire de l’auteur lui-même, né à Belfast à la fin des années 60, et débarqué à New York où il aura vécu près d’une dizaine d’années à Harlem. J’indiquais que McKinty se laissait davantage aller au niveau du rythme, mais il possédait pourtant déjà un sens certain de l’épure, puisque la partie irlandaise pour brosser les origines du personnage se fait en 8 petites pages, et qu’ensuite Michael Forsythe débarque directement à New York, dans un chapitre intitulé Un jeune Blanc à Harlem, titre qui résume avec amusement ce qu’il avait dû vivre à son arrivée dans les années 90 ^^

Michael Forsythe débarque donc en territoire inconnu, avec en guise de lointain lien une cousine dont le beau-frère lui trouverait un travail aux USA. Michael va rapidement se retrouver embrigadé dans la mafia irlandaise sévissant à New York, et ce bouquin commence très rapidement à prendre des airs de Scorsese qui aurait troqué les Ritals pour des pâturages plus verts ! Et le résultat est très rapidement captivant, avec la mise en place d’une hiérarchie de ce petit microcosme ainsi qu’une radiographie très intéressante de la New York des années 90. On va passer pas mal de temps à se balader dans la Grosse Pomme comme si on y était, et McKinty n’a pas son pareil pour nous abreuver de détails pertinents qui vont nous faire réellement nous sentir dans cet autre lieu et cette autre époque, à renforts d’éléments sonores, visuels ou olfactifs, et on va plonger avec délice dans la vie de petite frappe de Michael.

Le boss se fait appeler Darkey, et les hommes de main que sont Fergal, Scotchy et Andy vont chacun posséder leur propre personnalité, ciselée avec efficacité et précision par l’auteur, et c’est en cela également que l’on se rapproche d’un film de Scorsese. On plonge dans les méandres du trafic à New York et on va y croiser un panel bien hétéroclite, qui entre bassesse et héroïsme, va nous dévoiler un pan social très intéressant. Le hic pour Michael, c’est qu’il a un faible pour Bridget, la nana du boss, et qu’elle l’apprécie bien aussi d’ailleurs. Cette situation dangereuse risque de causer sa perte, et cet aspect va être constamment ancré en filigrane dans le déroulement du récit, alors qu’il y a déjà d’autres sources de risques liées à son métier.

Adrian McKinty possède un talent réel pour nous faire aimer des personnages forts et pas forcément binaires, la preuve avec ce Michael Forsythe possédant un bon fond mais étant également adepte d’une certaine violence. Le passage du pack de six, une sorte de vengeance à l’arme à feu particulièrement tordue, démontre la propension de Michael à user des armes, et ce mélange de tissu social communautaire et d’accès de violences donne une aura forte à ce livre, qui s’inscrit dans une veine du polar 90’s de manière très efficace. Et quand on croit qu’on est solidement installé et prêt à tout englober, on est soudainement délocalisé au Mexique pour une longue séquence à laquelle le lecteur doit se réadapter, tout comme devra le faire ce pauvre Michael par ailleurs … Je ne vous dévoilerai pas les tenants et aboutissants de cet excellent roman, mais je peux encore vous donner envie avec quelques phrases piochées au hasard, témoignant de la qualité du style de l’auteur (ainsi que de celle de la traductrice, Isabelle Arteaga).

« Je vis à Harlem dans la 123ème rue, au coin de l’avenue d’Amsterdam, tout près de la zone de sécurité de l’université Columbia. Là, le quartier prend le nom de Morningside Heights, pour que les parents des étudiants ne s’affolent pas, ce qui arriverait à coup sûr s’ils devaient adresser leurs lettres à Harlem. Mais c’est bien dans ce foutu ghetto que je me trouve. »

« Le vrai problème, ce sont les cafards. Je suis là depuis le mois de décembre de l’année dernière, et la guerre entre nous n’a pas cessé. Je ne suis pas encore habitué à leur présence. Je n’ai pas atteint la tranquillité zen qui me permettrait de partager avec eux le même territoire matériel et métaphysique. »

« Le problème, c’est qu’avec nos revolvers, nous n’avions guère de chance de tirer avec efficacité sur l’adversaire sans nous exposer. Avec une mitraillette, on peut arroser au hasard, mais une arme de poing a besoin d’une cible précise. Je m’étais dit, et Scotchy était tombé d’accord avec moi par télépathie, que ces types à l’équipement lourd allaient ouvrir le feu dès qu’ils nous verraient, que la lueur des détonations nous montrerait où ils étaient, et qu’on pourrait ainsi les éliminer à coups de pistolets. »

McKinty est un auteur terriblement efficace, et si vous aimez les récits de mafieux, je ne peux que vous conseiller ce livre, en attendant de vous parler du second tome 😉

 

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