Il y a de cela une semaine, je découvrais le metteur en scène américain Brian Duffield avec son sublime home invasion Traquée, mené par une Kaitlyn Dever impressionnante! Il était naturel que je me plonge dans sa filmographie, et j’ai donc découvert que Traquée était juste son second film! Tant de maîtrise en à peine 2 longs métrages, ça fait franchement rêver! J’ai donc cherché son premier film afin de vérifier si le talent du bonhomme était déjà bien présent 3 ans avant son Traquée. Effectivement, Brian Duffield possède un truc que beaucoup de réalisateurs n’ont pas, la preuve avec ce vraiment très beau Spontaneous!
Rien que le titre, ça renvoie à un certain cinéma horrifique pour un enfant des années 80 comme moi, avec bien évidemment le Spontaneous Combustion de Tobe Hooper avec Brad Dourif, qui aura marqué mon imaginaire à l’époque (je crois que ce que j’imaginais du film avant de le regarder m’a plus marqué que le film lui-même ^^). On était dans une histoire de corps qui prenaient feu sans aucune raison, et Brian Duffield va reprendre une trame similaire en l’adaptant pour proposer des élèves d’un lycée qui se mettent à exploser sans raison! On a donc un concept assez étonnant et original, qui va installer une véritable psychose dans la petite ville du New Jersey où se déroulent ces événements. Un pitch en mode très horrifique, que Duffield va intelligemment utiliser pour développer une très belle comédie romantique!
Comme quoi, certains genres ne sont pas si incompatibles… Si on s’attend à un film d’horreur dégoulinant d’hémoglobine ou à une bluette toute dégoulinante de guimauve, le metteur en scène va mêler tous les genres qu’il a envie de traiter pour nous livrer un film bien plus impactant émotionnellement que ce que l’on pensait voir au départ, et il va solidement entremêler l’humour, le drame, la légèreté et l’horreur dans une oeuvre qui sous ses airs de série B sans prétention, va monter les curseurs pour devenir une superbe comédie dramatique romantique horrifique sociale. Rien que ça oui. On va retrouver un soupçon du Nowhere de Gregg Araki, une pincée du Detention de Joseph Kahn, sans aller aussi loin dans le nihilisme ou dans le délire psychédélique, mais en se posant comme un constat de la jeunesse américaine des années 2010-2020. Sous ses airs légèrement acidulé, Spontaneous va nous raconter le quotidien d’élèves rongés par la peur dans une Amérique où les repères volent en éclat et où les lendemains n’ont rien d’assurés. Si le concept de l’explosion spontanée peut s’avérer drôle de prime abord, puisque on est dans une fiction après tout, Brian Duffield va très rapidement exprimer son véritable propos.
Quand on voit les instants de panique suivant chaque explosion, la ruée des élèves dans les couloirs afin de sortir sains et saufs du bâtiment, ça va forcément vous faire penser à quelque chose. Et oui, Duffield utilise l’aspect de prime abord fun et horrifique de l’explosion pour en filigrane nous faire sa propre version de Bowling for Columbine. Des élèves qui courent de manière désordonnée dans des couloirs en hurlant, d’autres dont les corps explosent de manière aléatoire, ça fait évidemment référence aux multiples tragédies vécues par ces centaines d’écoliers américains avec les tueries de masse qu’ils se prennent chaque année. Dans une telle configuration, comment donner un sens à son existence, et comment avoir foi en l’avenir, alors que l’on est même pas certain de voir le lendemain? Spontaneous bascule dans un tout autre registre quand on le regarde par ce prisme, et l’intelligence du propos de Duffield (qui signe le scénario en se basant sur le livre d’Aaron Starmer) est de développer un récit puisant dans beaucoup d’émotions contradictoires pour se raconter. Dans un monde qui tourne de moins en moins rond, comment trouver la motivation de survivre?
Paradoxalement, c’est à cause de ce monde complètement désaxé que l’histoire d’amour entre les protagonistes principaux va démarrer, et Duffield va nous offrir une comédie romantique adolescente là encore d’une très belle intelligence. On est très loin des stéréotypes et des séquences convenues dans ce type de production, pour atteindre une forme de réalisme rafraîchissante et tellement prenante! L’histoire entre Mara et Dylan est tout simplement belle, drôle, émouvante et tendre, sans la guimauve et la fadeur habituelles, mais avec un vrai sens de l’exploration intimiste et un mélange de peur et d’espoir typiquement adolescents, mais qui va être pris au sérieux. Il y a une spontanéité dans l’écriture et dans l’expression des sentiments des protagonistes qui rejoint là encore le titre du film, et qui fait de cette oeuvre une très belle réussite dans son développement. Katherine Langford et Charlie Plummer apportent cette spontanéité et ce réalisme faisant défaut à de nombreux films du genre, et on regarde le développement de leur idylle avec le sourire aux lèvres tant ils sont touchants et qu’ils méritent de vivre ces instants ensemble. Langford est connue pour avoir joué dans la série 13 Reasons Why, et on a pu voir Plummer dans la série Boardwalk Empire. L’alchimie fonctionne à merveille entre les deux, et la façon dont ils expriment leurs émotions, de manière à la fois directe et avec un peu de retenue, ça donne une très belle dynamique au film. Ils sont véritablement touchants, et au niveau des rapports humains, on appréciera aussi le dialogue intergénérationnel entre Mara et ses parents, qui là encore va à l’encontre des fossés habituels entre parents et enfants. Piper Perabo et Rob Huebel campent un père et une mère certes cool mais qui gardent les pieds sur terre, et on ressent tout l’amour qu’ils ont pour leur fille avec une certaine émotion. Et l’une des plus belles scène du film est certainement ce dialogue entre Mara et une autre adulte, alors qu’elle cherche un sens à son existence.
Mine de rien, Spontaneous va nous livrer pas mal d’émotions tout au long de son déroulement, et va même se permettre de nous expliquer le sens de la vie. Et ça, quand c’est fait avec un tel tact et un tel respect, ça fait sacrément plaisir! Ce film n’a rien de prétentieux, et il est d’autant plus impactant qu’il avance avec beaucoup de sensibilité (et pas mal de références geeks glissées de manière subtiles!), pour devenir une sorte de somme de ce que peuvent vivre les adolescents de nos jours. Duffield va traiter les sujets de la vie, de la mort, de l’amour, du deuil, en prenant la hauteur du point de vue ado, et quand c’est fait avec intelligence et avec une sorte de poésie sous-jacente aussi maîtrisée, on ne peut qu’être conquis!