L’Institut (Stephen King, 2019)

Il y a 4 ans, je m’étais lancé dans une relecture de romans que j’avais adoré étant ado, il s’agit bien sûr de ceux de Stephen King. J’en avais relu environ une quinzaine, avant de trouver que son écriture tendait à se répéter. J’avais donc laissé son oeuvre de côté après avoir retenté le second volume de La Tour Sombre, dont le 1er est une pure pépite. Le second quant à lui me semblait bien trop classique… Mais en suivant certain conseil, je me suis lancé dans la lecture de L’Institut, rédigé par le King en 2019, et j’ai été très agréablement surpris par la maturité de son style, l’auteur étant parvenu à échapper à ce sentiment de répétition que j’avais aperçu à l’époque. C’est simple, L’Institut est sans conteste l’un de ses ouvrages les plus aboutis et les plus captivants!

Tout commence à la manière de ces grands romanciers américains naturalistes à la Jack Kerouac, et on est totalement happé par l’errance de Tim Jamieson. Cet ancien flic va suivre ses impulsions et se lancer dans un road trip dont il ne connaît pas le but, et il va simplement prendre ce temps pour tenter de redonner une nouvelle dynamique à son existence. L’écriture de King est d’une belle profondeur, nous offrant un récit puisant sa richesse dans les détails insignifiants du quotidien, telle la lumière déclinante du soir sur le paysage, le sifflement d’un train dans le lointain, les rencontres pittoresques au fil de la route poussiéreuse. L’auteur va développer une atmosphère que l’on ressent presque physiquement à la lecture, et c’est un réel plaisir de suivre les pérégrinations erratiques de Tim, sorte de hobo préférant la route aux voies ferrées. « Assis là, jambes tendues, luttant contre les moustiques, Tim contempla à travers les arbres la lumière de haut-fourneau du soleil couchant. Ce spectacle le rendait à la fois heureux et mélancolique. Un autre train de marchandise apparemment sans fin apparut vers vingt heures quinze. Il traversa la route nationale et passa devant les entrepôts situés à la périphérie de la ville. »

Tim va se retrouver dans une toute petite bourgade, DuPray, et il va y obtenir le poste de veilleur de nuit, poursuivant ses balades cette fois-ci en mode nocturne afin de surveiller ce qui se passe dans la communauté. Un boulot bien tranquille dans un coin totalement paumé. Si ce n’était le destin qui allait s’en mêler « un peu plus tard au cours de l’été, par une nuit de forte chaleur »… Le récit va alors totalement basculer, et on va faire la connaissance de Luke Ellis, un jeune garçon surdoué de 12 ans sur le point d’entrer à l’université. Au-delà de son intelligence exceptionnelle, Luke possède une aptitude particulière, qui va lui valoir de se faire enlever en pleine nuit par une unité d’assaut spécialisée. L’existence paisible de Luke va littéralement voler en éclats, alors qu’il est choisi pour devenir un des résidents de l’Institut

Les événements s’enchaînent très rapidement, et Luke se retrouve propulsé dans une nouvelle existence dont il va mettre du temps à comprendre la raison et les enjeux. A l’Institut, il va faire la connaissance d’autres jeunes gens possédant eux aussi des facultés spécifiques, et ils vont tenter de survivre dans cette prison pour enfants. Stephen King nous dépeint avec beaucoup de réalisme ce lieu cauchemardesque où la peur flirte avec l’absurde. Une prison avec des affiches au mur présentant des enfants courant dans les hautes herbes avec de grands sourires, et sur lesquelles sont apposées des phrases comme « Un jour comme les autres au Paradis »… On sent une certaine filiation avec un certain « Arbeit macht frei »… Luke va rencontrer Kalisha, Nick, Avery, George, Helen et d’autres enfants arrachés à leur petite vie tranquille, à leurs parents, à leur joyeux quotidien, pour servir de cobayes à des expériences au mieux déroutantes, au pire traumatisantes…

On va ressentir toute l’angoisse de Luke et de ses camarades, mais aussi leur incompréhension, leur frustration et leur colère. Stephen King va habilement nous plonger dans leur quotidien refaçonné, obéissant aux ordres des médecins et des intendants qui vont les obliger à suivre des protocoles dont ils ne comprennent pas l’utilité. L’Institut est une sorte de camp pour enfants perdu dans l’immensité des forêts du Maine, dont le but n’est pas connu des gamins kidnappés, mais ont-ils réellement envie de comprendre la raison pour laquelle ils sont ici? On va réellement ressentir les émotions de ces gamins pris au piège, et on va réellement avoir envie de stopper ces adultes qui les dirigent et qui se font un malin plaisir de les torturer mentalement. Au yeux des maîtres des lieux, ils ne semblent être que des marchandises interchangeables… Mais dans quel but? Quelle finalité peut bien légitimer la détention de ces gamins totalement perdus? Quels sont les rouages de cet Institut et quelles en sont les ramifications? Autant de questions que Luke va bien devoir tenter d’élucider, s’il veut espérer peut-être un jour sauver sa peau…

L’Institut est réellement passionnant, et évidemment je ne vous dévoilerai pas ce qui se trame entre ces murs sordides, mais je vous invite à aller y jeter un oeil par vous-même! Si vous pensiez qu’après presque un demi-siècle passé à écrire, Stephen King avait fait le tour de ce qu’il pouvait bien raconter, détrompez-vous, il en a encore sous la plume! Je vous laisse, et je m’en vais poursuivre la lecture de L’Outsider, roman qu’il a écrit un peu avant L’Institut! ^^

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