Je n’avais encore jamais vu ce film, et je ne sais pas pourquoi, mais dans mon souvenir je m’imaginais une comédie d’action en mode décérébré. Autant dire que je n’étais pas prêt à me prendre cette baffe dans la gueule… Samuel Le Bihan incarne Bédé, un petit trafiquant qui suite à un deal qui tourne mal, se retrouve obligé de se mettre au vert quelques mois. Il va rejoindre un centre de rééducation perdu en pleine campagne, et va se faire passer pour un éducateur. Mais quand les gangsters retrouvent sa trace, les emmerdes vont réellement commencer…
Je m’étais vraiment fait une fausse image de ce film, et j’ai donc d’autant plus été surpris par sa radicalité! Ca commence avec une ambiance décontractée, avec en parallèle Bédé qui fait son petit boulot de récoltant en ville, et le quotidien du centre en pleine campagne. A priori, aucun lien entre les deux, mais ce n’est qu’une question de temps… Eric Rochant nous dépeint un environnement très réaliste, avec dialogues au cordeau en mode jeunes de cité, et on entre assez facilement dans ce film. Mais c’est quand tout va se mettre à foirer que le metteur en scène va nous révéler quelles étaient ses véritables intentions. Et dès lors, on se retrouve dans un polar s’inscrivant parfaitement dans le sillage des films de genre à la française des années 60-70, tels que les faisaient Robert Enrico ou Henri Verneuil. On se retrouve face à un spectacle à l’âpreté totale, qui va emprunter aux codes du western pour en faire une déclinaison rurale des plus abouties. Et on pense bien sûr aussi au cinéma de Sam Peckinpah!
Ce qui imprime d’emblée la rétine, c’est le niveau de violence très élevé, surtout en mettant en scène des jeunes. Les séquences bien tendues se multiplient, et notamment celle avec Farida… On est dans une esthétique glaciale empruntant aux films de vengeance, et Total Western va traiter directement des instincts de survie les plus élémentaires. C’est en ce sens que le film fonctionne sacrément bien, car on se retrouve littéralement projeté avec Bédé et la bande de jeunes, qui vont tout faire pour survivre à l’assaut. Eric Rochant parvient à donner un maximum d’impact à ses scènes, tant d’un point de vue dramatique qu’esthétique, et on assiste à une sorte d’opposition étrange, un assaut armé en pleine campagne… Ca n’est pas aussi violent que celui de Gangs of London, mais quand même!
Samuel Le Bihan est sacrément intense dans ce rôle mutique, cette caractéristique étant un autre héritage du western. Secret, silencieux et vif, il a tous les atouts pour résister à l’opresseur… Et si on parle de western, il faut souligner la superbe partition de Marco Prince, qui signe un univers musical très influencé par Morricone. Les dialogues sont impressionnants et démontrent une volonté d’immiscer un humour très noir dans le film, en mettant en opposition les univers présents. C’est pour cela que le bad guy lance aux jeunes : « C’est autre chose que de cramer des bagnoles hein? » et autre « Ca va sentir la fondue savoyarde! ». Ca amène un décalage étrange et qui fonctionne pourtant vraiment bien. Quand on a des jeunes de banlieue, des adeptes des jeux de guerre et de vrais gangsters qui se retrouvent confrontés, ça charcle sévère et c’est très généreux en hémoglobine!
Les séquences d’action sont d’une très grande violence, et on est surpris par la façon dont elles nous touchent. Rochant vient percuter nos propres instincts de survie, et on va cautionner des actes franchement crades mais légitimant la survie des protagonistes. Le metteur en scène parvient à maintenir un suspense très fort et à nous balader à travers des séquences bien tendues, usant là encore d’une temporalité héritée des westerns. Total Western est une délocalisation de la violence urbaine en milieu rural, et voir des mecs se courir après à travers champ ou se flinguer à tout va dans un corps de ferme, ça change des ruelles sombres et des hangars désaffectés! Total Western est une vraie bonne tuerie à l’ancienne, bien viscérale et choquante, et ça fait un bien fou de voir ça!