Après Code 93, Olivier Norek donne une suite aux aventures du Capitaine Coste et de son équipe du Groupe Crime 1 avec Territoires, qui va s’intéresser à la prise de pouvoir d’un nouveau boss sur les dealers du coin. Ses méthodes sont intransigeantes et vont mettre en lumière les systèmes de recrutement et de travail régissant cette économie parallèle, qui est la source de revenus principale dans certaines banlieues. Le nouvel arrivant décide de marquer un grand coup en liquidant les 3 plus gros fournisseurs locaux, afin de s’accaparer un maximum de territoires. Les répercussions dans la ville (fictive) de Malceny vont déstabiliser toutes les strates de la population, des guetteurs aux élus locaux. Et c’est au Capitaine Coste qu’on va faire appel pour mettre un terme à ces exactions…
Ayant lui-même été capitaine de police pendant des années, Olivier Norek nous parle d’un monde qu’il connaît personnellement, et qu’il dépeint avec un réalisme teinté de cynisme et de pas mal de désillusions, tout en gardant un soupçon d’espoir. Le rôle de la police est de réussir à maintenir un semblant d’ordre social, ce qui est très complexe dans des environnements aussi difficiles comme le 93, où l’auteur avait officié. Il va mettre en lumière une intrigue aux relents politiques, avec des connexions qui semblent inévitables entre les élus et les trafiquants, avec pour excuse une volonté de garder un certain contrôle sur la poudrière.
Code 93 nous démontrait déjà à quel point la frontière est floue entre les criminels et les garants du pouvoir et de l’ordre, et dans cette séquelle, il s’intéresse particulièrement aux liens invisibles mais tenaces qui permettent d’assurer un fonctionnement « optimal » des cités du point de vue de certains élus. Emplois fictifs, avantages en nature, menaces sous-jacentes… Il va même nous démontrer comment une émeute peut s’avérer bénéfique pour la commune! Dans une prose directe et brutale, il dépeint un quotidien fait de malversations et de rapports dominant-dominé, dans lequel les gamins ne sont pas épargnés, loin de là. Il dépeint notamment un jeune boss de 12 ans avec un réalisme glaçant, et on sent qu’il a dû en voir passer des affaires nauséabondes en tant que flic… La violence quotidienne, le trafic comme seule échappatoire… Des situations dans lesquelles certains choisissent de survivre en proposant une violence encore plus massive, afin d’instaurer une peur qui est très souvent corrélée au respect.
Si son bouquin offre une histoire palpitante, c’est aussi parce qu’il nous délivre par petites touches des infos sur le quotidien de ces flics également, notamment en ce qui concerne Coste, qui est dans une relation naissante avec une collègue. Voir l’armure de ce flic tenace se fendiller légèrement, ça lui rajoute encore un côté plus humain, et on s’intéresse d’autant plus au personnage. Ronan se dévoile lui aussi davantage, Johanna également, et même Sam, le geek de service, va se révéler un peu plus. Là où Norek excelle également, c’est dans sa gestion des conflits internes, avec cette garce de Jevric toujours prête à attirer la lumière vers elle. Coste joue très intelligemment avec elle, et il y a un réel suspense lorsqu’il décide de la contrer!
On découvre un autre aspect tragique des trafics de banlieue, avec l’utilisation de personnes âgées pour garder des valises remplies de drogue et de fric. Ces personnes n’ont pas le choix de travailler pour les trafiquants, contre rémunération, et se retrouvent en position extrêmement délicate. Olivier Norek va nous dépeindre un cas dramatique dans lequel il va exprimer de manière délicate quelques émotions. Il va également nous plonger dans des nuits d’émeutes sacrément violentes, avec là encore un réalisme qui fait froid dans le dos, et qui nous démontre les mécanismes mis en place des 2 côtés des barrières. C’est direct, brutal et ça ne cache pas les détails. Les bouquins de Norek se lisent avec un plaisir teinté de tristesse quant au sujet, mais parviennent toujours à créer un suspense qui nous donne envie de lire la suite! Il y a une réelle cohérence entre ces bouquins, et je ne peux pas m’empêcher d’en ouvrir un nouveau! 😉