Le Mambo des deux Ours (Joe R. Lansdale, 1995)

« Lorsque j’arrivais chez Leonard pour le réveillon de Noël, les Kentucky Headhunters étaient là et ils chantaient The Ballad of Davy Crockett, tandis que mon meilleur pote célébrait la chose à sa façon en incendiant de nouveau la maison voisine. » Quand on a un bouquin qui commence de cette manière, on ne peut douter qu’il sera excellent! ^^ Après avoir ravagé la crack house d’à côté dans L’Arbre à Bouteilles, Leonard Pine y retourne donc et tente encore une fois de faire arrêter les activités criminelles du quartier. Evidemment, on ne peut pas dire que sa méthode soit très légale, et comme Hap Collins se rendait justement chez lui à ce moment-là, ils finiront tous les deux au poste. Après ce début en mode Backdraft, voilà que le lieutenant Hanson va leur demander un service en contrepartie d’un abandon des charges : retrouver Florida, l’avocate qui avait subjugué Hap dans le roman précédent, et qui s’était finalement barrée avec Hanson…

Florida s’est rendue dans une ville paumée du Texas pour faire justice alors qu’un Black a été retrouvé pendu dans sa cellule, mais elle n’a plus donné de nouvelles depuis son départ… Hanson craint qu’il lui soit arrivé quelque chose de grave, surtout que le Ku Klux Klan est très actif dans le coin… Hap et Leonard ne vont donc pas tarder à s’embarquer dans une mission très explosive, en se rendant dans la jolie ville de Grovetown, où la suprématie blanche est encore d’actualité… Un Black homo à la grande gueule comme Leonard va évidemment poser quelques petits problèmes à la population locale! La scène du débarquement dans le bar local vaut le détour… Hap avait fait une jolie prédiction juste avant d’y entrer : « Oh, d’accord, grommelais-je. Après tout, qu’est-ce que c’est, quelques points de suture entre amis? »

Joe R. Lansdale n’a pas son pareil pour foutre Hap et Leonard dans des situations extrêmement merdiques, et la paire va encore s’en prendre plein la gueule dans ce roman! Mais leur côté héroïque fait qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de foncer dans les emmerdes, histoire de régler les injustices! Et surtout, Lansdale manie son humour dévastateur avec une classe absolue!!! Mention spéciale au flic Charlie, devenu adepte des ombres chinoises : «  »Je me suis payé un livre. Ma femme prétendait qu’il me fallait un hobby, alors j’ai trouvé ce truc. Ca me relaxe, mais madame estime que c’est pas suffisant. Elle veut que j’aille à la gym et que je m’entraîne, mais grâce à ça, j’peux rester à la maison, le cul posé dans le fauteuil. Je coupe les lumières, et j’fais mes ombres avec la lampe de la table basse. Quand j’en ai marre, je regarde la télé un moment. Eh, vous avez vu, celle-là ressemble à une chatte, non? – Merde, comment t’arrives à reconnaître un chat, ici? demandais-je. –Une chatte! Tu sais, un vagin. Un truc de gonzesse. – Ah, oui, dis-je. Je crois que je me souviens vaguement de ces trucs-là.  »

Il y a toujours une sorte de flou temporel dans les bouquins consacrés à Hap et Leonard, avec ce manque d’éléments permettant de définir l’époque à laquelle les récits se passent. C’est censé se dérouler à l’époque contemporaine, mais les références musicales, cinématographiques et autres renvoient constamment au passé. Et les personnages ne sont pas des gens hyper-connectés, du coup le déroulement des événements se fait toujours à l’ancienne, sans besoin de téléphones portables et on a pas trop de hackers non plus! ^^ Lansdale se concentre davantage sur les lieux, la nature environnante, et comment les individus passent leur existence dans ces endroits reculés. « Il caillait comme le trou du cul d’un Esquimau dans les chiottes extérieures d’un igloo, mais la lumière était claire et brillante, et l’obscurité des forêts de l’East Texas était apaisante. Froid ou pas, les aiguilles des pins étaient vertes, à part d’occasionnelles traînées couleur rouille, et les chênes étaient imposants même sans leurs feuilles, et leurs branches s’entrelaçaient comme les squelettes d’une espèce animale inconnue disposés en un arrangement artistique élaboré. » Il y a un mélange d’humour et de vraie poésie qui se marient à merveille dans ses descriptions, et même les éléments anodins comme cette description d’une forêt s’avèrent excellentes!

Les bouquins de Lansdale traitent de racisme, d’homophobie, de sexisme mais avec toujours un humour décapant et une plume acérée, et au travers de ces enquêtes sur fond de meurtres, c’est à une radiographie de la couche profonde des USA que l’on est convié, avec les idées archaïques trop ancrées, une certaine forme de puritanisme nauséabond, et les élans progressistes d’Hap et Leonard! Elans toujours balancés comme des uppercuts, et au final, c’est ça qui fait du bien! Leur mano a mano avec la branche du Klan sévissant à Grovetown va être bien violent, et je vous invite vraiment à découvrir ces romans de Lansdale! « -Vous savez, pour chacun de nous, quand on y pense, y a que ça… (il leva la main et forma un petit C avec son pouce et son index.) qui sépare l’être humain de l’étron. Ouais, tous autant qu’on est. Je veux dire, c’est la distance entre les deux trous. En sortant, on a tous raté le cul de justesse. (Il abaissa la main, regarda Costard Gris et sourit.) Sauf vous, monsieur. Vous, vous avez réussi. Votre mère à chié une merde, elle lui a mis un costume et elle lui a donné votre nom. »

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