Après le succès critique du Sicario de Denis Villeneuve, les producteurs ont décidé d’embrayer sur une séquelle qui se fera toutefois sans Emily Blunt! Elle était le personnage principal et constituait un atout majeur du premier film, c’est bien dommage de ne pas la retrouver dans cette suite. Sicario : la Guerre des Cartels va se concentrer sur Matt Graver et Alejandro, déjà présents dans le premier opus, et qui sont interprétés par les excellents Josh Brolin et Benicio Del Toro.
Graver et Alejandro sont des mercenaires effectuant des missions à haut risques pour le compte du gouvernement américain, et après les événements du premier opus qui les voyait tenter de contrer des trafiquants de drogue, ils ont un but bien plus global, puisqu’ils sont chargés de créer une guerre entre les différents cartels mexicains! Cela va passer par des exécutions mises en place pour faire croire qu’elles ont été effectuées par des rivaux, et ils vont simplement rajouter du carburant pour que la situation s’embrase totalement! Avec cette base très prometteuse en terme d’action, on s’attend à une suite plus rentre-dedans que le film de Villeneuve, qui était une très belle proposition de film d’action en mode contemplatif ! Ce qui n’a rien d’un reproche, je précise !
La patte visuelle de Villeneuve avait en effet grandement contribué au succès du premier film, qui enchaînait les moments marquants, comme le convoi de véhicules traversant les frontières à toute allure, les traversées de base militaire en mode silencieux, les gunfights en mode très frontal et la visualisation d’un groupe avec la prise en compte permanente de son environnement naturel. Villeneuve nous avait concocté une sorte de film d’action aux accents anthropologiques, en faisant constamment ressortir l’importance de l’environnement lors des actions des personnages. On sent que Stefano Sollima a été bien briefé afin de respecter ces règles mises en place, et il va s’appliquer à reproduire ce qui a fait le succès du premier, tout en essayant d’insérer des thématiques qui lui sont chères.
Le metteur en scène italien est réputé pour ses séries Romanzo criminale – la Serie et Gomorra, ainsi que ses films ACAB – all Cops are Bastards et Suburra. Il baigne constamment dans les histoires mafieuses et s’intéresse toujours aux modes d’organisation de ces groupuscules, tout en évoquant la jeunesse qui se perd en intégrant ces mafias. Avec Sicario : la Guerre des Cartels, il va évoquer cette perte de l’innocence en suivant en parallèle des missions de Graver et Alejandro, le destin d’un jeune homme qui commence à travailler pour un cartel. On sent que ce sujet tient très à coeur à Sollima, et il va à la fois faire du Villeneuve et du Sollima donc, dans ce film qui mixe les approches des deux metteurs en scène. Il use d’un réalisme très cru pour montrer l’intégration de ce jeune homme, et on suit cela avec à la fois une sensation dérangeante et toujours l’idée que cela arrive effectivement de cette manière dans le monde réel. Au-delà de l’aspect purement cinématographique, c’est face à une réalité tragique que nous met Sollima, jusque dans certains petits détails qui apparaissent parfois dérisoires et qui sont pourtant choquants.
Ce qui faisait le succès du premier film, c’était bien évidemment la mise en scène somptueuse du Canadien Denis Villeneuve, qui nous offrait une manière unique d’entrer dans un thriller. Il parvenait à générer une tension permanente grâce à sa vision très globale de la mission des protagonistes, et il pouvait également compter sur un élément clé avec le personnage de Kate Macer, interprétée avec une très belle force par la toujours excellente Emily Blunt. Le personnage de Kate était un contrepoint par rapport à Graver et Alejandro, puisque c’était la seule à qui on parvenait à s’attacher. Avec son absence dans ce second opus, on perd justement cette possibilité de s’attacher, puisque Graver et Alejandro poursuivent leurs missions avec cette froideur constante qui les caractérise. Ils parlent peu, sont souvent dans l’observation, et restent finalement très mystérieux, ce qui laisse une distance avec le spectateur. Du coup, cette suite est moins captivante que Sicario.
On sent surtout que les producteurs ont voulu assurer le succès du film en appliquant la recette du premier, et au jeu des comparaisons, le film de Villeneuve reste supérieur. On assiste à des séquences déjà vues dans le premier, et qui s’avéraient plus puissantes. Après, Sollima propose une ouverture intéressante avec son approche de l’intégration du cartel, mais le film ne parvient pas à atteindre le niveau de celui de Villeneuve. Et il baisse soudainement en crédibilité vers la fin, lors d’une scène assez incompréhensible… Ce qui est bien dommage, car au final il reste intéressant et on ne s’ennuie pas dans cette évocation de la lutte contre les cartels. On a des éléments nouveaux par rapport au premier film, comme la façon dont Graver et Alejandro décident de faire pression sur un des chefs de cartel justement, et cette partie de la mission est plutôt bien menée. En l’état, Sicario : la Guerre des Cartels est une suite appliquée, qui ne réitère pas la très belle surprise du premier, mais qui se regarde toutefois avec intérêt.