Il s’agit sans aucun doute du roman le plus connu de l’auteur britannique Agatha Christie, et il est le 6ème livre le plus vendu au monde, rien que ça! Avec Dix petits Nègres, la « Reine du Crime » nous plonge dans une intrigue des plus savoureuses, prenant racine dans le whodunit, ce genre littéraire et cinématographique (Alfred Hitchcock en est un maître en la matière) qui consiste à résoudre un ou plusieurs meurtres avec en présence une multitude de personnages, et très souvent une unité de lieu. On pense au jeu Cluedo, qui sera inventé en Grande-Bretagne en 1949, et qui se base sur ce type de littérature. Le terme whodunit est la contraction de « who (has) done it? », et signifie « qui l’a fait? ».
Dans Dix petits Nègres, nous retrouvons 10 individus de différentes catégories sociales et qui sont pour la plupart inconnus les uns des autres. Quand un des 10 meurt, on pense à un malencontreux accident; mais quand le lendemain, une 2ème personne est retrouvée morte, il ne fait plus aucun doute que quelqu’un est en train de décimer ce beau petit monde un à un! On a un avocat renommé, un jeune dandy, un médecin, une vieille fille guindée, un ancien policier, un couple de domestiques, une jeune institutrice, un général à la retraite, et un militaire encore en activité. Chacun des survivants pourrait être le tueur qui se cache sur cette île, et lors de chaque mort, l’étau se resserre…
Dix petits Nègres surprend très agréablement par son rythme qui n’a rien à envier aux lectures modernes! Agatha Christie va droit à l’essentiel, et nous concocte un récit prenant et ludique, dans lequel le jeu est de deviner qui peut bien être le meurtrier, et pourquoi il agit ainsi! L’intrigue progresse très rapidement, et on a pas envie de lâcher ce bouquin tant les événements s’enchaînent rapidement, le tout baignant dans un suspense très maîtrisé! Dix petits Nègres est un classique de la littérature policière, et on sent irrémédiablement la portée et l’importance qu’il a eu dans différents domaines! On pourra y retrouver des traces chez Stieg Larsson dans son sublime Millénium – les Hommes qui n’aimaient pas les Femmes, ou Identity de James Mangold. L’héritage d’Agatha Christie est très vaste, imprégnant la culture dans son ensemble, et de très nombreux artistes lui sont redevables.
Elle augmente l’aspect ludique de ces mises à mort, avec une comptine trônant dans chaque chambre d’invités, et qui décrit la manière dont les décès vont se dérouler! Il y a une sorte de mise en abyme du projet de l’écrivain, qui va montrer comment le meurtrier très joueur se plaît à suivre une trame préétablie. Christie va jouer avec ses personnages de la même manière que le criminel va leur ôter la vie, et on va se prendre au jeu avec un délicieux mélange de bienséance british et d’instinct de survie! Cette île isolée, de laquelle ne peuvent s’échapper les 10 protagonistes, devient presque un personnage à part entière, avec ses changements de temps qui suivent les états d’âmes des prisonniers. La pluie battant les fenêtres la fait apparaître sinistre, le soleil réchauffant les visages offre une lueur d’espoir, et la nature fait partie intégrante de cette intrigue. De même que la maison moderne dans laquelle sont logés les 10, qui est une bâtisse immense dans laquelle il est difficile de surveiller chaque recoin sombre…
Le titre vient du nom de l’île elle-même, baptisée l’Ile du Nègre car elle « devait son nom à sa ressemblance avec une tête d’homme… Un homme aux lèvres négroïdes. » Si le terme est très péjoratif de nos jours, il était couramment utilisé à l’époque, et les dix petits nègres sont des statuettes d’hommes noirs posés sur la table de la salle à manger, et qui symbolisent chacun des invités. En effet, elles disparaissent une à une au fur et à mesure que les cadavres s’enchaînent… Ce qui rajoute encore au mystère de cette île et à l’aspect ludique de l’ensemble! Si vous n’avez jamais testé, je vous invite à plonger dans cette lecture captivante et rythmée, à la recherche du mystérieux tueur!