13th (Ava DuVernay, 2016)

Ava DuVernay est une réalisatrice qui s’est constamment intéressée à la culture et à l’histoire afro-américaine, étant elle-même issue de cette communauté. De son 1er film, le documentaire This is the Life, qui s’intéressait au mouvement hip-hop, jusqu’à ce récent 13th, en passant par I will follow, Middle of Nowhere ou Selma, sa filmographie va traiter de thèmes forts comme le racisme et le combat pour la liberté.

13th va s’intéresser au système carcéral américain, et va de manière choquante nous prouver comment il est la continuation de l’esclavage!!! L’abolition le 18 décembre 1865, initiée par Abraham Lincoln, aurait dû enfin permettre à ces esclaves de trouver une vie digne et sans crainte. Mais le 13ème amendement, qui donne son nom au film, possède une faille qui a été immédiatement exploitée: « Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction. » Il n’aura donc pas fallu longtemps pour que les anciens esclaves se retrouvent condamnés pour n’importe quel motif, comme le simple vagabondage, ce qui permettait alors de les priver de leur liberté en les emprisonnant…

Ava DuVernay évoque le glissement choquant d’un esclavage à l’autre avec toute la logique implacable qui la sous-tend. Toute l’économie sudiste se retrouvait en danger avec l’abolition, il fallait donc simplement lui permettre de ne pas péricliter, en pérennisant l’esclavage d’une autre manière… Cet état de fait pourrait paraître trop énorme pour être vrai, mais la réalisatrice s’appuie sur des faits avérés pour démontrer toute l’implacabilité de ce système! Et ce n’est que le début… J’ai vraiment été choqué par cette démonstration qui fait froid dans le dos, et qui met en lumière un modèle politique et social axé depuis le début sur la différence de couleur, et qui va simplement maquiller cet état de fait pour ne pas être trop apparent. La suite, avec les différentes présidences, les élites suprématistes et le système carcéral en plein boom, fait là encore froid dans le dos…

Quand DuVernay démontre que la guerre contre la drogue de Reagan était un moyen de contrôler la population noire-américaine, et de remplir les prisons avec de la main-d’oeuvre issue de cette communauté, c’est tout simplement dégoûtant… Et ce n’est pas tout… DuVernay va brosser un portrait peu flatteur du pays de la liberté, et la célèbre statue cache bien des crimes sous les plis de sa robe… Entre les témoignages de militants ou d’universitaires, comme Angela Davis qui a pris des risques incroyables dans sa jeunesse; les évocations d’arrestations sommaires, comme celle de Kalief Browder, qui témoignait devant caméra afin de toucher le plus de monde possible; ou les aveux souvent obtenus de manière détournée de dirigeants, qui expliquaient enfin clairement leur volonté de conserver la suprématie blanche; le travail en sous-main d’une commission regroupant politiques et corporations, et qui fait voter des lois allant à l’encontre des libertés, mais générant des milliards de profit… Quand on sait que des enseignes comme Bayer ou AT&T, DuPont, FedEx ou encore Novartis font partie des sociétés membres, on se rend compte du poids et de l’influence de ce groupe nébuleux…

13th est un documentaire qui s’avère nécessaire, et qui retrace l’histoire des Etats-Unis par un prisme très critique mais malheureusement très révélateur. Ce film n’a pas eu le droit d’atteindre les salles obscures, mais encore une fois, c’est Netflix qui permet la diffusion d’une oeuvre très importante. Et à l’heure où Donald Trump a atteint les plus hautes fonctions, toute la logique tragique décrite par Ava DuVernay est corroborée…

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