102 Minutes qui ont changé le Monde (Nicole Rittenmeyer et Seth Skundrick, 2008)

En ce dimanche 11 septembre, les chaînes de télé multipliaient les commémorations 10 ans après les attentats dévastateurs ayant touché les Etats-Unis. France 5 proposait en première partie de soirée un documentaire qui se démarquait de tous les reportages que j’avais pu voir jusqu’alors en abandonnant l’aspect explicatif et en laissant de côté les témoignages, mais en adoptant un point de vue à la fois plus simple et plus immersif. Les réalisateurs Nicole Rittenmeyer et Seth Skundrick ont récolté des images tournées par les New-Yorkais eux-même, et ont fait un travail incroyable en analysant toutes ces données et en les montant, pour au final reconstituer minute par minute le déroulement de cette tragédie. Rittenmeyer et Skundrick ont mis bout à bout le matériau qu’ils avaient choisi, sans aucune voix-off, sans aucune intervention extérieure, pour un résultat terrifiant qui aboutit à ce qui se rapproche le plus de ce qu’ont vécu les New-Yorkais ce jour-là. 102 Minutes qui ont changé le Monde est le témoignage en direct filmé par des dizaines de caméra, montrant de l’intérieur ce que ces témoins ont vécu. Le principe est d’une efficacité absolue, et les visions multiples qui composent ce reportage sont chargées d’une émotion tout ce qu’il y a de plus réel. J’ai découvert des images que je n’avais jamais vues, et cette réalité cauchemardesque m’a sauté au coeur avec une force incroyable.

Les images des avions s’encastrant dans les tours du World Trade Center et ces dernières s’effondrant sur elles-mêmes font partie de l’imagerie collective et possèdent cette force de représentation archaïque qui vous relie instinctivement à la nature même de l’être humain. Ces images qui ont tourné en boucle pendant des semaines sont à jamais gravées dans nos mémoires, et paraissent toujours aussi inconcevables 10 ans après. Le travail d’archivage de Rittenmeyer et Skundrick va mettre de côté ces images vues et revues, puisque leur documentaire montre les évènements en temps réel, et ne s’attarde donc pas sur la répétition de ces images choquantes. Ce parti-pris étonnant découle d’une volonté de suivre au plus près des habitants ce qui s’est passé, et le fait de suivre en direct les réactions des gens est tout aussi fort que ces images célèbres…

Ce documentaire prend littéralement aux tripes, car il montre la réalité à laquelle ont du faire face tous ces habitants. Entendre une personne demander pourquoi on ne voit plus la 2ème tour est vraiment horrible, et l’émotion face à cette incompréhension est tout aussi forte que l’effondrement lui-même… La multitude de points de vue va montrer la progression des réactions au coeur même du drame, et cette immersion est d’autant plus poignante en sachant tout ce qui va se passer… J’ai pensé à plusieurs reprises au film Cloverfield, qui suivait l’attaque d’un monstre sur la ville de New-York à la manière d’un documentaire avec un protagoniste armé d’une caméra. De nombreuses images possèdent une similarité avec le film de Matt Reeves, et je me suis rendu compte alors que toute cette vague de films-documentaires héritée de Blair Witch avait aussi puisé par la suite dans ces images d’un réalisme choquant dû au 11-septembre. Ce jour-là, la réalité est devenue pire que la fiction, et ce type d’images documentaires s’est révélé d’une force dévastatrice. En usant de ce procédé dans Cloverfield, Reeves nous ramène inconsciemment à revivre cette journée dévastatrice en s’appuyant sur la mémoire collective, et son film apparaît comme une variation déguisée de ce drame…

Chaque image de ce documentaire est chargée d’émotion, et l’urgence dans laquelle ont été capturé ces moments évite toute volonté de parti-pris. On regarde hébété cette successions de drames personnels pris dans une tourmente collective, et l’on parvient à redonner un sens à la notion même d’individu. Quand un policier se rue dans un bar pour en évacuer les clients, il le fait pour sauver le plus de monde possible, et quand un homme erre dans la rue dans un état second en portant une caisse, c’est sa propre réalité à laquelle on assiste. C’est vraiment difficile de décrire tout ce que l’on ressent à la vision de ce documentaire, mais sa force est indéniable, et sa justification est sincère. On ne pouvait pas plonger au plus près de ce qui s’est passé ce jour-là, et être dans la foule qui fuit New-York, être parmi les hommes qui se ruent vers le lieu du drame, être parmi les familles qui ne savent pas comment réagir et qui sont prises de panique, ça secoue sacrément et profondément…

Nicole Rittenmeyer et Seth Skundrick ont donné naissance en 2008 au documentaire incontournable sur cette journée, en proposant un regard aussi direct que simple, celui de tous ceux qui ont vécu ce drame en direct.

 

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