Sorti en 2013, ce documentaire consacré aux super-héros est un précieux témoignage sur l’apparition, l’évolution et les valeurs transmises par ces êtres fictifs tout au long des 75 dernières années. Michael Kantor décrypte avec un soin très détaillé et une passion très instructive le monde si étendu des comics, né avec un certain Superman en juin 1938.
Tout n’a pourtant pas été aisé au départ, et cette branche du 9ème art a connu de nombreuses difficultés et résurrections, à l’instar des héros de papier dont elle ne cesse de présenter les aventures. C’est à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale que 2 dessinateurs américains donnent vie à Superman, dans le désormais mythique Action Comics 1 (qui valait 10 cents lors de sa sortie, et qui se vend aujourd’hui jusqu’à 3.2 millions de dollars!). Jerry Siegel et Joe Shuster ne se doutent à aucun instant de l’immense impact que leur création va avoir dans le domaine culturel. Tandis que les bandes dessinées étaient reléguées au second plan dans les journaux d’actualité, Superman aura rapidement droit à sa propre revue, et les 2 auteurs ont purement et simplement créé le genre du comic. Egalement sous la bannière DC (Detective Comics), Bob Kane et Bill Finger donneront vie à Batman en 1939, tandis que du côté de Timely Comics (pas encore devenu Marvel Comics), Captain America voit le jour en 1941 grâce à Joe Simon et Jack Kirby.
Les heures sombres de la guerre vont voir l’émergence de dizaines de figures emblématiques, héros de fiction capables de venir à bout de n’importe quelles situation grâce à leurs pouvoirs démesurés. Les super-héros vont incarner l’espoir d’une résistance, et la possibilité d’un monde meilleur. La couverture du numéro 1 de Captain America est à ce titre sans équivoque, avec Steve Rogers qui assène une droite fracassante à Adolph Hitler! On va découvrir l’impact des comics dans la vie des soldats au front, on va suivre le déclin des héros face au rouleau compresseur du maccarthysme, et on assistera ensuite à une renaissance durant les années 60, où un certain Stan Lee décide de dépoussiérer Marvel. C’est durant cette période de Guerre Froide et de peur de la menace atomique, que les super-héros reviennent sur le devant de la scène.
Si les comics nous plongent dans un univers imaginaire, ils ont également pour vocation de traiter de sujets d’actualité, et c’est ainsi que les différents mouvements sociaux des années 60 et 70 transparaissent au travers des aventures de ces êtres extraordinaires. Wonder Woman est très représentative des droits des femmes; Black Panther, en tant que premier héros noir, est une belle forme de lutte contre le racisme; et dans une Amérique qui a totalement perdu confiance en ses leaders avec le Watergate, les super-héros représentent une forme d’idéalité rêvée, à laquelle s’accrocher pour tenter de redonner de l’espoir aux gens.
Avec le déclin du modèle américain, naissent des personnages bien distincts des héros d’avant, et c’est ainsi que le Punisher ou Wolverine apparaissent en 1974 et laissent dans leur sillage des litres de sang! On est bien loin du gentil héros qui arrête les méchants, et on entre dans une ère où la fin justifie des moyens bien plus radicaux. Après les décors psychédéliques bien 60’s de Docteur Strange, on s’aventure dans les ruelles bien sombres d’une Amérique qui a beaucoup de démons à exorciser. Et un certain Frank Miller se fera une spécialité de ce type de comics désespéré, avec des oeuvres mythiques comme Dark Knight ou son run sur Daredevil!
Aux côtés d’artistes tels que Jim Steranko, Todd McFarlane, Grant Morrison, sans oubier évidemment Stan « the Man » Lee, on va replonger dans cette histoire passionnante à travers l’Histoire, les comics étant clairement ancrés dans la réalité de chaque époque traversée. On va suivre l’évolution, le déclin et les multiples renaissances de cette industrie, qui atteindra son potentiel maximal avec le succès de ses adaptations cinématographiques. Le Superman joué par Christopher Reeve a évidemment fait beaucoup pour la reconnaissance des comics, la série Batman version 60’s un peu moins, mais elle a le mérite d’être fun et barré! Et à l’aube d’X-Men: Apocalypse signé Bryan Singer, c’était le même Bryan Singer qui avait relancé la course dans les années 2000 avec son excellent X-Men! C’est lui qui a redonné l’élan à tous ces projets de super-héros qui fleurissent aujourd’hui, que ce soit au cinéma ou à la télévision! Si ces personnages extraordinaires nous fascinent tellement, c’est parce qu’ils représentent une nouvelle forme de mythologie. En remplaçant les anciens dieux colériques et tout-puissants, ils nous offrent une vision bien plus intimiste et personnelle du pouvoir. Un pouvoir qui donne de l’espoir, et qui s’avère indispensable lors des heures les plus sombres que la société traverse, à l’image de ce Spider-Man tétanisé dans les décombres du World Trade Center…