Après une tentative de SF à la française pas très convaincante (Furia en 1999), Alexandre Aja nous avait balancé coup sur coup 2 uppercuts qui allaient durablement marquer le cinéma de genre: Haute Tension (2003) et son sacrément pervers Philippe Nahon, et La Colline a des Yeux (2006) et ses mutants sacrément gores! 2 oeuvres qui ont sorti le réalisateur de l’anonymat et qui lui ont donné une place de choix dans le cinéma horrifique. Il s’est laissé bercer par l’esprit américain de manière moins captivante par la suite, et nous a concocté en 2008 un Mirrors sympa mais en-deça de ce que l’on pouvait espérer, tout comme son Piranha 3D en 2010, qui était assez maîtrisé pour éviter l’ennui, mais qui n’était finalement qu’une série B de plus. Autant dire que son Horns, avec cette histoire tirée par les cheveux de gars qui a des cornes qui lui poussent du jour au lendemain, m’avait l’air franchement casse-gueule et pas emballante du tout. Mais après plusieurs retours très positifs, j’ai décidé de tout de même le tenter…
Quand la petite amie d’Ig Perrish est assassinée, toute le monde le croit coupable et ne cherche même pas à l’écouter. Il se retrouve en liberté conditionnelle dans l’attente du procès, et va tenter de découvrir ce qui s’est passé. Mais comme si tout n’allait pas déjà assez mal, voilà qu’une paire de cornes lui pousse sur le crâne! Avec son air de démon, pas sûr que les gens lui fassent davantage confiance… Mais il va découvrir que cette nouvelle apparence déclenche chez les gens des réactions bizarres, et que ces cornes pourraient bien l’aider dans son enquête finalement…
A partir du moment où ces cornes sont apparues, les gens ont commencé à lui révéler ce qu’ils pensaient exactement. Quand il se retrouve dans la salle d’attente du médecin avec cette gamine hystérique et sa mère totalement dépassée, cette dernière va lui dire de manière toute naturelle qu’elle devrait frapper sa fille ou se barrer en la laissant là! Ig est évidemment étonné, mais chacune des personnes qu’il va croiser va à chaque fois se confier à lui de la manière la plus intime et naturelle qui soit! Pour remonter la piste jusqu’au tueur, il n’a qu’à aller discuter avec le plus de monde possible, et il se pourrait bien qu’il le retrouve de cette manière!
La nouvelle apparence d’Ig va donc lui permettre d’agir comme un sérum de vérité, les gens lui exprimant leurs secrets les plus inavouables. On va donc se retrouver dans des situations à la fois absurdes et choquantes, et Ig va découvrir la face cachée de la petite ville tranquille où il a toujours vécu. Le médecin qui fantasme sur sa secrétaire, le flic aux tendances refoulées, chacun va révéler ses secrets à Ig et laisser libre cours à ses fantasmes devant lui, sans aucune pudeur! Il va donc être le témoin privilégié de ce qui se passe dans la tête des habitants de cette ville, et va véritablement les mettre à nu!
Le principe d’Horns, qui paraissait très tiré par les cheveux au départ, va en fait devenir sacrément jouissif, et propice à une extériorisation des fantasmes et des sombres secrets sous-jacents de la société. Ig devient le révélateur des frustrations et des envies profondes de ses concitoyens, et une fois qu’il a bien saisi l’étendue de son pouvoir, il va se faire un malin plaisir de l’utiliser sans restriction! Tandis qu’il clame toujours son innocence, il va se mettre à interroger la population et à découvrir différents indices lui permettant de se rapprocher du tueur.
D’entrée de jeu, Alexandre Aja place son récit dans une atmosphère atypique et un cadre original, usant de sa caméra avec une dextérité et un point de vue impressionnants! L’aisance de sa mise en scène combinée à la liberté de ton totale adoptée, va faire de ce Horns un film bien plus percutant que ce que l’on pouvait attendre au départ! A la fois véritable conte macabre et tragique histoire d’amour, ce film va offrir des nuances de tonalité impressionnantes et parfaitement maîtrisées par un Alexandre Aja en très grande forme!
Les aller-retours entre passé et présent vont offrir une structure complexe au film, et vont mettre en lumière les différentes relations entre les personnages. Il y a un côté très Stand by me dans l’évocation de l’enfance des personnages principaux, et on sent véritablement les émotions vécues par ses gamins, des frissons du premier baiser aux sensations de liberté de l’enfance. Il y a là une vraie tendresse dans l’évocation d’une enfance lointaine et perdue, et un vrai sentiment de nostalgie, qui va finalement amplifier l’impact des émotions ressenties par Ig dans le présent.
Le scénario est parfaitement élaboré, Keith Bunin retravaillant un bouquin de Joe Hill, de son vrai nom Joseph Hillstrom King, et qui n’est autre que le fils de Stephen King. Tout comme son père, il se plaît à creuser dans les consciences afin de découvrir les travers et les pulsions de ses concitoyens, et cette adaptation par Alexandre Aja fonctionne parfaitement sur grand écran. Daniel Radcliffe s’est bien éloigné du gentil Harry Potter, et s’avère tout aussi doué dans un registre différent. Son personnage torturé en quête de compréhension et de vengeance est joué avec beaucoup de subtilité, et le basculement vers la violence va se faire avec un mélange de surprise et de joie malsaine!
Horns nous balance des émotions contradictoires tout le long du film, passant d’une romance naïve et belle, à un déferlement de violence enjouée, en passant par les difficultés du deuil et les rapports difficiles entre membres de la famille. Alexandre Aja ausculte toutes les phases d’une vie, en y ajoutant une sorte de poésie macabre visuellement bluffante (la scène du trip sous acide est impressionnante), qui en fait une allégorie bien barrée de l’existence!