En 1983, Michael Douglas n’est pas encore l’acteur reconnu qu’il deviendra durant la décennie avec A la Poursuite du Diamant vert, Liaison fatale, Wall Street ou encore Black Rain. Peter Hyams se pose lui comme un réalisateur qui compte depuis Capricorn one, Guerre et Passion ou Outland. La rencontre de ces deux personnalités va donner vie à un film au sujet sensible qui sera traité de manière très efficace. La Nuit des Juges fait partie de ces longs métrages pas assez estimés, qui ne sont certes pas des chef-d’oeuvres mais qui possèdent de vraies qualités.
Steven Hardin est un juge qui va remettre son métier en question après avoir dû prononcer deux non-lieux dans des affaires différentes. A chaque fois, un vice de procédure venait entâcher la plaidoirie de la défense, et se soldait par la libération des prévenus. Steven Hardin se met à douter de l’infaillibilité de l’appareil judiciaire, et va se confier à un ami, Benjamin Caulfield (Hal Holbrook, très bon), qui est également juge. Ce dernier va lui apprendre l’existence d’une cour spéciale, sans existence officielle, qui ressort des dossiers n’ayant pas eu de suite afin d’émettre un jugement et d’appliquer une sentence. Hardin va entrer dans ce clan secret et va tenter de faire appliquer la loi de manière plus radicale. Mais si cet appareil judiciaire est bien plus souple, il n’est pas exempt de défauts…
La Nuit des Juges pose des questions très pertinentes sur le mode de fonctionnement des procès, et notamment sur les failles de procédure. Lorsqu’un flic n’est pas autorisé à fouiller un véhicule car le prévenu lui a montré tous ses papiers qui sont en règle, alors que la fouille permet de trouver un élément incriminant dans un meurtre, c’est une abberation sans nom. Mais la justice est ainsi faite, et à plusieurs reprises, Hardin se retrouve coincé par cet appareil judiciaire alors que les coupables sont juste en face de lui. Il est dans l’impossibilité de les condamner, et est obligé de les relâcher.
Avec ces failles, se pose un second problème, celui de la justice personnelle. La cour secrète mise en place par ces 9 juges agit sans aucune légitimité et en-dehors des cadres réglementaires. Elle applique une version de la loi qui se veut plus juste, mais qui n’est mesurée que par ses 9 membres. Ce film relance le débat entre deux formes de justice totalement différentes, mais qui ont toutes deux pour but de garantir la sécurité des citoyens. Michael Douglas joue son rôle avec passion et nous entraîne dans une aventure juridique au suspense prenant, et Peter Hyams gère son film avec une belle maîtrise, jonglant entre les séquences à la cour, les scènes intimistes entre Hardin et sa famille, et les descentes en pleine rue ou dans des entrepôts désaffectés. L’image du flic Harry Lowes, joué par un Yaphet Kotto très convaincant, démontre l’impuissance de la police face à ces crimes qui se répètent alors que leurs auteurs sont relâchés pour vice de procédure… La Nuit des Juges ne dénonce pas cet état de fait en pointant un bouc émissaire, mais il insiste sur les changements profonds qui doivent s’opérer au niveau des lois elles-mêmes, afin de ne plus se retrouver pris au piège de telles absurdités. Mais 31 ans plus tard, il n’y a pas moins d’injustice, et ce film est tristement toujours d’actualité…