La Sagesse de la Pieuvre (Pippa Ehrlich, James Reed, 2020)

Craig Foster est un réalisateur de documentaires centrés sur la nature, dont il capte les spécificités depuis The great Dance : a Hunter’s Story (2000). Mais comme il l’explique dans La Sagesse de la Pieuvre, à force de filmer des gens qui sont en contact direct avec la nature, il ressentait l’impression de ne pas y être lui-même connecté. S’ensuit une période de profonde remise en question de ses choix de vie, et un retour à ses racines en Afrique du Sud. Il se prend de passion pour la plongée, dans une eau glaciale qui n’excède pas les 10 degrés, mais ressent le besoin viscéral de s’immerger dans cet univers hors norme. Il plonge sans combinaison, sans bouteille, afin de ressentir au maximum cette immersion et se connecter au monde sous-marin de la manière la plus entière possible.

Craig Foster va plonger un quart d’heure chaque jour  (la température extrême ne lui permet pas de rester plus longtemps), sans interruption durant une année. Il va s’aventurer dans une forêt de varech, dont il va explorer chaque recoin et découvrir la richesse de la faune sous-marine qu’elle abrite. Si le film est signé Pippa Ehrlich et James Reed, il comprend de nombreuses images tournées par Foster lui-même en cette année 2010, période durant laquelle il a entamé une relation étrange avec une créature fascinante… Non, il n’a pas rencontré une sirène, mais a été attiré par un animal espiègle et d’une redoutable intelligence, une pieuvre! Et après avoir assisté à une scène démontrant un instinct et une capacité d’adaptation étonnants, il va avoir envie de découvrir comment vit cet animal. Chaque jour, il va tenter de l’apercevoir et de s’en rapprocher, un peu comme on pourrait le faire avec un chien sauvage que l’on aimerait apprivoiser. Ca m’a beaucoup fait penser à cette séquence extrêmement touchante dans le roman Je suis une Légende de Richard Matheson, avec cette relation homme-chien naissante…

On a donc un homme qui s’est pris de passion pour l’exploration sous-marine, en proie à une grande dépression, et qui va croiser le chemin d’une créature qui va le fasciner de jour en jour. Craig Foster va d’abord tenter de filmer l’animal qui se cache, craintif, et il va laisser sa caméra sur le fond marin tout en s’éloignant, afin de voir si le poulpe va s’en approcher. Effectivement, l’animal est intrigué par cet objet inconnu, et va peu à peu s’en rapprocher, le toucher, le tirer, essayer de comprendre de quoi il s’agit. Et à force de voir ce drôle de bonhomme lui rendre visite chaque jour, il comprend qu’il ne lui veut aucun mal, et la curiosité qu’ils partagent l’un envers l’autre va créer un rapprochement des plus surprenants! Craig nous raconte les jours passés à tenter de se rapprocher à chaque fois davantage, jusqu’à ce que la pieuvre ait un jour assez confiance pour tenter une approche tactile! C’est véritablement unique de voir ça, et le matériel filmique de Craig est à ce titre très précieux!

Mais la relation amicale entre ces 2 êtres qui n’auraient jamais dû se croiser est bien fragile, et va être malmenée par plusieurs facteurs. La maladresse de Craig d’une part, mais également l’environnement dangereux de ces fonds marins, avec notamment les redoutables requins pyjamas. On a presque l’impresion d’assister à la naissance d’une relation amoureuse avec toutes les difficultés qu’elle comporte, et on sent que pour Craig, cette nouvelle amie va lui offrir une possibilité de surmonter ses propres difficultés. C’est assez poignant de voir comment il va s’attacher à ce petit être, avec qui il ne peut pas communiquer verbalement, mais qui va pourtant également sembler s’attacher à lui. Il y a une totale confiance entre 2 espèces différentes, et c’est l’une des beautés profondes que la nature à à offrir qui est démontrée ici! Ca semble très niais quand je l’écris, mais il y a une vraie puissance émotive dans les images tournées par Craig.

On sent qu’il est réellement perdu dans cette partie de son existence, et cette rencontre apparaît comme une sorte de coup de pouce du destin afin de gagner une connexion plus profonde avec le monde. Et cette amitié unique entre un homme et une pieuvre, on peut dire que c’est un fait assez marquant pour être partagé! Dans ce monde sous-marin glacial, Craig se retrouve coupé des problèmes quotidiens, dans une bulle aqueuse lui permettant de s’épanouir différemment. C’est comme s’il s’absentait du monde pendant 15 min, et qu’il avait une seconde existence, totalement détachée des contraintes humaines, durant ce quart d’heure intemporel.

On va assister à des séquences dramatiques, avec notamment une attaque de requin pyjama, et on va surtout découvrir l’intelligence hors norme de cette pieuvre, capable de surmonter des défis pour sauver son existence. C’est tout simplement fascinant de se rendre compte à quel point elle est capable d’adapter ses techniques de chasse, de défense, et d’avoir la preuve de toute cette intelligence et de la mémoire que cela implique! Il n’y a pas de quoi se sentir supérieur en tant qu’humain, quand on découvre comment elle négocie les difficultés de son existence! Sachant qu’une pieuvre ne vit pas plus d’une année, elle a besoin de s’adapter rapidement… Cet animal est fascinant, avec ses capacités mimétiques incroyables! C’est comme si elle n’avait pas de forme ou de couleur définies, et qu’elle évoluait à chaque instant…

Les images sont superbes, cette histoire est franchement touchante et risque bien de vous faire verser une larme ou deux, et le seul aspect que je trouve dommage, c’est dans l’hésitation de Craig à intervenir à des moments cruciaux. Il se dit qu’il ne peut pas agir au risque de modifier l’équilibre de ce lieu, mais j’ai envie de dire qu’il n’était plus un simple observateur impartial, puisqu’il avait développé une véritable relation d’amitié avec cette pieuvre! Je n’ai pas compris son hésitation à agir du coup, et je regrette qu’il ait gardé une certaine distance à des moments cruciaux.

Mais ce documentaire fascinant et tellement touchant démontre que la communication est possible entre des individus totalement différents, et cette rencontre improbable est tout simplement magnifique!!!

Ce contenu a été publié dans 2020's, Cinéma. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à La Sagesse de la Pieuvre (Pippa Ehrlich, James Reed, 2020)

  1. Non, je ne ferai pas de chaîne Youtube ! dit :

    Ca a l’air trop cool !!!

  2. Wade Wilson dit :

    Ecoute c’est vraiment étonnant comme documentaire! Et la pieuvre est un animal aux facultés d’adaptation vraiment incroyables!!!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *