Qu’est-ce que ça fait du bien de retrouver enfin un film avec un véritable sens de la mise en scène, et capable de donner vie à une véritable atmosphère… On ne peut pas nier que Jordan Peele possède un sens aigu de la composition de l’image, et qu’il est un sacré conteur d’histoires horrifiques… Et en l’espace de 3 films, il s’est créé un sous-genre de l’horreur très particulier dont il semble bien être le seul et unique représentant!
Si son Get Out était idolâtré de manière réellement incompréhensible, son Us avait enfin permis de démontrer toute l’étendue de son talent, tant dans sa mise en scène des plus abouties qu’à son récit bien perché et hautement addictif. Ce Nope semblait proposer une plongée dans l’inconnu tout aussi renversante, et ça faisait un moment que je n’avait plus été aussi curieux de découvrir un film. Enfin, il y avait bien Prey, la préquelle de Predator, dont j’avais entendu tellement de bien… Mais ça m’a tellement plu que je n’avais même pas la force d’écrire quelque chose sur ce film…
Pour Nope, mis à part quelques affiches et un super spoil 2 jours avant d’aller le voir, je ne savais absolument rien du film, et c’est comme ça que je préfère m’immerger dans des univers bien différents. On retrouve Daniel Kaluuya, qui avait le rôle principal dans Get Out, et qui vit dans un ranch isolé où il élève des chevaux. Lorsque de mystérieux événements surviennent sur ses terres, il va mener l’enquête avec sa soeur (Keke Palmer) afin de comprendre quelle est la nature du danger. Jordan Peele se livre à un exercice des plus attrayants en nous racontant cette histoire avec une ambiance de conte horrifique tout en y saupoudrant un peu de poudre d’Amblin, et ça fait franchement plaisir de plonger là-dedans! Il sait comment jouer sur les notions de luminosité et d’obscurité, et on sent une connaissance des plus instinctives sur comment créer l’attente et la peur. On assiste à des séquences dont la portée émotive fonctionne très bien, et il apporte quelques touches ludiques à son propos, jouant avec les émotions du spectateur.
On sent toute la finesse et l’acuité du bonhomme, qui nous balade avec une très belle aisance dans son récit de coin du feu (Us possédait une aura similaire dans sa scène du début), et on va suivre les circonvolutions du frangin et de la frangine alors qu’ils tentent de comprendre à quoi ils ont affaire. Jordan Peele use d’une mise en scène très sensitive, ce qui manque cruellement au cinéma actuellement (Chloé Zaho proposait une mise en scène étonnamment étoffée par moment avec Les Eternels). C’est tellement plaisant de ressentir le vent dans la plaine, de sentir le galop d’un cheval, de ressentir le poids de la nuit… Peele est très à l’aise dans sa manière de raconter son récit, et sa façon unique de filmer les paysages, les nuages ou la demeure où se déroule l’action, font que l’on plonge avec plaisir dans ce récit sortant des sentiers battus.
Parce que mine de rien, un excellent conteur peut nous raconter n’importe quoi, il parviendra toujours à nous happer. Enfin… Jusqu’à une certaine limite. Parce que si les trois quarts du long métrage fonctionnent très bien, Peele se perd dans une résolution tellement étirée et qui ne flirte plus avec l’absurde, mais y tombe trop lourdement… On sentait que ce risque pouvait arriver à un moment quand on voyait comment se développait l’histoire, mais on pensait que ça tiendrait assez pour qu’il évite cet écueil. Malheureusement, le final se perd vraiment et fait retomber la pression, tout en nous mettant à distance des personnages. C’est vraiment dommage d’en arriver là, mais il y a des choix narratifs qui font que ce qui a été patiemment mis en place retombe comme un soufflé, et on reste sur d’excellentes scènes au préalable (Gordy!), mais on se dit finalement, tout ça pour ça… Même si visuellement ça reste beau, l’émotion n’y est plus et on a l’impression d’assister aux événements de manière beaucoup plus lointaine…
C’est d’autant plus dommage que je n’avais plus retrouvé d’atmosphère aussi dense au cinéma depuis bien longtemps, et la déception est d’autant plus grande… Mais le film vaut au moins le coup d’oeil pour sa capacité à offrir une approche très originale d’un sujet finalement classique. Mais on lui préférera largement une nouvelle vision de son chef-d’oeuvre Us!