Sorti en 2011, We need to talk about Kevin est l’exemple typique du film indépendant américain qui fonctionne. Un sujet dramatique traité avec sensibilité, une atmosphère lourde du début à la fin, et des acteurs talentueux pour donner corps à ce récit poignant. Sans être inoubliable, il constitue la preuve que le circuit indépendant a toujours en réserve des films prenants et des histoires innovantes.
Ce 3ème film de Lynne Ramsay va nous plonger dans le quotidien sordide d’une femme ayant tout perdu, et tentant de comprendre les raisons de cette situation. Tout va tourner autour de son fils aîné, qui a commis un acte irréparable dont la nature n’est pas révélée de suite, mais dont les conséquences radicales modifieront à jamais la vie de ses proches. En suivant le quotidien de cette mère effondrée, Lynne Ramsay nous offre une approche très intéressante des conséquences funestes de l’acte du fils. D’habitude, le personnage central de ce type de récit est celui par qui le drame arrive, mais Ramsay a choisi de mettre à jour l’impact sur les proches, en choisissant la mère.
Tilda Swinton s’avère impressionnante dans ce rôle difficile et carrément pas glamour, luttant pour garder un semblant d’équilibre alors que tout a volé en éclat autour d’elle. Le combat permanent pour essayer d’avoir une vie normale est constamment gâché par ses rencontres, ses souvenirs et sa culpabilité, et le film s’avère parfois difficile. Mais cette plongée dans le désespoir revêt un caractère froid émanant de la personnalité calculatrice du fils… Eva tente de reconstituer le puzzle psychologique ayant conduit son fils à de tels actes, et elle passe en revue toute son existence, de la naissance de Kevin jusqu’à son adolescence, et l’on va découvrir un être extrêmement perturbé et diabolique. En fait, ce Kevin aurait tout aussi bien pu s’appeler Damien tant il est infernal!!! Le film va suivre la relation conflictuelle permanente entre la mère et le fils, l’incompréhension d’un père, et la pauvre petite soeur perdue au milieu…
2 acteurs vont incarner Kevin à différents âges, et ils sont sacrément doués l’un comme l’autre! Jasper Newell le joue à 6-8 ans, et il fait vraiment flipper avec sa maîtrise des émotions et sa façon de pousser sa mère à bout! Ezra Miller le joue ado, et il l’incarne de manière tout aussi provocante en rajoutant un aspect androgyne qui le rend encore plus insaisissable! Les deux acteurs apportent énormément au personnage, et en font quelqu’un de véritablement inquiétant! John C. Reilly joue le père, et lui que l’on a l’habitude de voir dans des rôles comiques s’avère tout aussi bon dans un registre plus sérieux!
Lynne Ramsay parfait sa mise en scène en distillant peu à peu les infos et en créant cet univers destructeur qui mine Eva, effectuant des aller-retour entre les époques afin de bien cerner tous les enjeux et toutes les implications qui ont conduit cette cellule familiale à se détériorer ainsi. Tout tourne autour de ce personnage détestable et fascinant de Kevin, représentatif du Mal insideux et joueur, qui va gangrener ses proches avec une délectation morbide et une absence de compassion impressionnante!
We need to talk about Kevin fait froid dans le dos, et apporte un éclairage très intéressant sur la genèse du Mal, en évitant tout didactisme mais en privilégiant les faits bruts et leur impact immédiat et futur. Un très bon film qui mérite d’être découvert!