Génération Proteus (Donald Cammell, 1977)

Pour son second film, le cinéaste Donald Cammell réalise une oeuvre d’anticipation dont les thématiques très contemporaines s’avèrent impressionnantes! En partant du postulat d’un super-ordinateur évoluant de manière autonome, il va brosser le portrait d’une civilisation courant à sa perte à cause des avancées technologiques qu’elle élabore. L’ordinateur Proteus va représenter la menace ultime pour les êtres humains, sa conviction personnelle de la folie humaine l’obligeant à prendre des initiatives allant à l’encontre même des intérêts de ceux qui l’ont conçu.

 

Lorsque le scientifique Alex Harris (Fritz Weaver) crée Proteus, il pense être à l’aube d’une nouvelle ère, où les ordinateurs et les robots seraient des alliés puissants pour les humains. Mais en lui donnant un accès illimité à toutes les sources de connaissance, il conduit Proteus vers une autonomie de pensée, et surtout, vers un libre arbitre qui va le détacher de son simple rôle d’observateur. Proteus semble élaborer une véritable conscience, et il va se retourner contre des humains qu’il juge inaptes à se gérer eux-mêmes. Et ce point de vue d’un cerveau non vivant reflète une triste réalité, celle d’une espèce n’hésitant pas à sacrifier ses ressources pour un profit immédiat. Oeuvre contestataire mâtinée d’un brin d’idéologie écolo, Génération Proteus est une parabole passionnante sur un combat que l’Homme a déjà perdu d’avance: la course au progrès génèrera toujours des dérives, et les avancées technologiques sont toujours des points de non-retour. Proteus est en quelque sorte la représentation d’une culpabilité inconsciente qui affleurerait à la surface, et qui obligerait l’Homme à se remettre en question.

Toute la paranoïa chère aux années 70 est développée dans ce film retraçant le combat de l’homme contre la machine. Mais si cette lutte s’avère idéologique, elle prend des allures intimistes, puisqu’elle va se dérouler intégralement dans la maison du professeur Harris, qui est un pionnier de la domotique. Sa demeure regorge d’innovations technologiques, et quand il va laisser sa femme seule plusieurs jours, Proteus va en profiter pour se connecter au réseau et la prendre au piège. S’ensuit alors un jeu du chat et de la souris entre la prisonnière et son bourreau informatique, qui a pour projet l’étude de l’être humain. Susan Harris (Julie Christie, excellente) va devoir lutter physiquement et mentalement contre cet ennemi invisible et omniscient, qui va la mener au bord de la folie…

Donald Cammell maîtrise totalement son récit et nous offre une vision pessimiste du progrès. Sa mise en scène revêt des allures cauchemardesques par moments, et il parvient à surprendre par des effets visuels étonnants, avec notamment cette structure pyramidale étrange créée par Proteus. Cammell nous plonge dans cette lutte éprouvante aux côtés de Susan, et malgré l’ancienneté de l’oeuvre, ce récit fonctionne encore vraiment bien! L’originalité du sujet se conjugue avec un sens esthétique remarquable, et l’atmosphère anxiogène de cette maison-prison s’avère très convaincante. Si les intentions de Proteus partent d’un constat justifié, il reproduit pourtant une folie quasi-humaine par ses actes violents. Et ses projets pour le genre humain s’avèrent surprenants…

Génération Proteus fait partie de ces films d’anticipation pessimistes qui ne jouent pas sur la surenchère, mais qui reposent sur un scénario d’une très grande force, dont Donald Cammell a su rehausser la justesse par une mise en scène puissante.

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