J’étais passé à côté de ce film après avoir vu le nom de son réalisateur, car l’Américain Jeremy Saulnier est derrière le très surestimé Green Room qui était d’un vide abyssal et totalement dénué de tension. Mais à force d’entendre parler de ce Rebel Ridge à plusieurs endroits, je me suis quand même décidé à y jeter un oeil, et j’ai été très agréablement surpris par la tenue de ce film et la maîtrise globale dont faire preuve Saulnier. Rebel Ridge est un thriller inattendu possédant une vraie force intérieure, ne cherchant pas à s’aligner sur les actioners actuels mais parvenant à trouver son propre équilibre et sa propre personnalité. Bref, une petite claque comme ça fait du bien de s’en prendre de temps en temps.
Je ne connaissais pas le britannique Aaron Pierre, et je me suis retrouvé face à un acteur possédant une très forte présence, et il en faut pour pouvoir tenir tête à Don Johnson 😉 Son personnage d’ancien militaire qui va se retrouver aux prises avec les flics corrompus d’une petite ville perdue, ça rappelle forcément pas mal de films ou dernièrement l’excellente 1ère saison de Reacher. Mais Jeremy Saulnier va orienter son oeuvre à la crooisée des chemins entre le film d’action et le film de suspense, en optant pour une approche très réaliste dans laquelle les combats ne sont pas forcément obligatoires. Il sait comment générer et maintenir une belle tension, et nous surprend par moments avec ses choix narratifs, qui finalement sont assez plaisants. Terry Richmond est un ancien marine dont on sent qu’il a les capacités pour se sortir de nombreuses situations de manière létale, mais il a aussi la capacité de réflexion de ne pas aggraver les événements. Ce principe va à l’encontre des actioners habituels, mais une fois qu’on l’accepte, on se dit que le parti-pris est plutôt audacieux.
Jeremy Saulnier a également rédigé le scénario de son film, qui laisse une belle part aux joutes verbales bien tendues, et on appréciera les confrontations entre Terry et ses ennemis, notamment le shérif interprété par Don Johnson, qui est très bon dans ce rôle de ripou. Il y a une légère atmosphère westernienne dans ces dialogues, et on a également une référence discrète mais assumée à l’un des pionniers du film de vengeance, Rambo. Certains plans évoquent directement l’excellent film de Ted Kotcheff mais de manière subtile, et on sent que le passage de Terry dans sa ville paumée renvoie discrètement à la mésaventure de l’anti-héros torturé incarné par Sylvester Stallone. Mais une fois encore, Jeremy Saulnier ne cherche pas à copier une recette ou à réinventer un mythe, il réalise son propre film avec sa conviction personnelle, et Rebel Ridge est d’autant plus appréciable.
AnnaSophia Robb va interpréter Summer, la seule personne venant en aide à Terry au sein de cette administration gangrenée. L’actrice est notamment connue pour avoir joué dans Soul Surfer, le biopic sur la surfeuse Bethany Hamilton qui s’était fait arracher le bras gauche par un requin, et qui malgré son handicap, a décidé de poursuivre sa passion. Son personnage de Summer est lui aussi très bien écrit et va permettre d’en apprendre peu à peu sur cette jeune femme ne supportant pas l’injustice. Le duo avec Aaron Pierre fonctionne très bien et le réalisme des situations rend le suspense de ce récit plus palpable. Le reste du casting est très bon, avec notamment la bande de pourris travaillant au commissariat, et on a très envie que Terry leur en mette plein la tronche ^^
On sent que Saulnier a pris de la bouteille et qu’il s’est aguerri au niveau de la mise en scène, et on suit ce combat contre la corruption avec un vrai enthousiasme, et on se rend compte que le metteur en scène est très à l’aise dans la mise en place de ses ambiances mais aussi dans les quelques fulgurances d’action qu’il se permet, avec toujours cette pointe de réalisme très bien dosée. Rebel Ridge est un très bon moment de cinéma, que l’on aurait aimé partager sur grand écran, et il se place comme un polar de très belle facture.