Bienvenue à Westheim, charmant village alsacien situé sur la Route des Vins, qui a tout pour être une paisible petite bourgade sans histoire. Mais d’étranges événements vont s’y dérouler, et ce paysage de carte postale va devenir un territoire bien plus dangereux qu’on ne pourrait le croire… Quel est le rapport avec Simon, ce trentenaire retourné vivre chez sa mère, et qui semble incapable de reprendre son envol? Coincé entre un job sans avenir et une chambre d’adolescent, Simon est en proie à des crises de somnambulisme qui vont lui causer de plus en plus de problèmes…
Le patelin de Westheim existe-t-il vraiment? Je vous laisse faire vos propres recherches 😉 Le parti-pris du réalisateur Jérémy Strohm est de brouiller de plus en plus les pistes au fil de l’avancée de ce récit étrange et envoûtant, qui va peu à peu voir l’imaginaire déborder sur la réalité de la vie de Simon. Cette délicate construction est traitée avec une sensibilité étonnante et une réelle maîtrise de la part du cinéaste strasbourgeois, qui nous agrippe avec ce scénario aux relents surréalistes, et qui ne nous lâchera plus jusqu’à une conclusion qui aime à conserver quelques mystères… Avec Le Somnambuliste, Jérémy Strohm nous livre une oeuvre très inspirée et finalement très addictive, alors que le format s’avère relativement court! Il s’agit en effet d’une web-série composée de 6 épisodes d’une durée comprise entre 12 à 14 minutes chacun, pour un total d’environ 1h15!
Et en si peu de temps, Jérémy Strohm parvient à donner une dimension palpable aux lieux traversés et aux personnages croisés, grâce à un scénario écrit à 4 mains d’une très belle finesse. Strohm l’a rédigé avec Thomas Desenne, et les 2 hommes sont parvenus à donner vie à des personnages forts, qui ne vont pas tous briller avec le même éclat mais qui possèdent pour la plupart une vraie densité. On pense par exemple à l’amie Jaimie, qui va s’avérer bouleversante lors d’un monologue très intime… On sent que la patte du réel s’est immiscée dans cette fiction, fiction qui va se faire court-circuiter par les débordements imaginaires de Simon… Je vous ai parlé des problèmes de Simon au fait??
Simon est somnambule, et c’est assez fâcheux, car il se réveille en pleine nuit dans des endroits assez improbables… Comme par exemple dans le trou fraîchement creusé d’une tombe!!! Autant dire que ses réveils sont violents, et au fil de ses nuits agitées, il va devoir composer avec des environnements et des situations de plus en plus… Comment dire… Compliquées… On sent que sa raison est mise à rude erreur et que ses nerfs risquent bien de finir par lâcher… L’acteur belge Gilles Vandeweerd est franchement excellent dans ce rôle difficile, et il va faire évoluer Simon de simple adulescent un peu loufoque à un personnage véritablement torturé, et la gestion de tout le panel émotionnel qui va avec est impressionnante! On a pu l’apercevoir dans La Confession de Nicolas Boukhrief, ou dernièrement dans The Hunted, et il mérite clairement des premiers rôles! A ses côtés, Nathalie Charade joue sa mère avec beaucoup de conviction et de tendresse, Marion Morel campe efficacement une jeune recrue de la police locale bien déterminée à éclaircir les mystères planant sur le village, Holly-Rose Clegg joue donc la pétillante Jaimie, et que dire d’Albert Goldberg dans le rôle de l’inspecteur Meyer? Je vous laisse découvrir vous-même la référence ^^
La comparaison risque de vous mettre sur une fausse piste, mais je trouve qu’il s’en dégage pourtant des airs de Twin Peaks. Voilà c’est dit, mais ne vous attendez pas à Laura Palmer ou à l’agent Dale Cooper, on est ici dans une atmosphère et des enjeux très différents, mais il y a quelque chose dans le traitement et la structure qui font penser que Jérémy Strohm pourrait bien être fan du chef-d’oeuvre de David Lynch. C’est dans la subtilité d’écriture, avec ce maniement entre le réel et l’imaginaire, ainsi que dans certains choix de cadrages, que l’on décèle cette part profonde d’un auteur qui a bien envie de creuser sous la surface de la petite commune qu’il met en scène… Cette comparaison est purement personnelle, et ne doit pas vous inciter à attendre une série dans le même esprit que celle de Lynch, mais je l’ai faite afin de souligner l’originalité du propos de Strohm et la manière qu’il a de s’approprier les éléments de sa propre fiction. La façon qu’il a d’aborder la réalité du terroir et de la mêler avec des éléments absurdes et semi-oniriques va s’avérer déroutante et captivante!
Parce que mine de rien, ça commence de manière tellement absurde qu’on se dit que ça va être une vraie comédie, et les effluves dramatiques venant se poser tranquillement sur l’ensemble vont faire osciller l’intrigue, qui va gagner en profondeur et s’avérer d’autant plus surprenante. Le réalisateur gère sa partition avec tact et sensibilité, et l’ensemble va s’avérer bien plus solide que la mini-série tranquille à laquelle on pouvait s’attendre. Parce qu’avec une succession de meurtres dans le vignoble, une police dépassée et un Simon qui semble basculer dans la folie, le mélange des genres s’avère diablement savoureux et addictif!!! Et quand on parle de production locale, on s’attend à une comédie gentillette sans trop d’efforts de mise en scène, et ce parti-pris va s’avérer être une belle erreur! Le montage est d’une précision implacable, la mise en scène très immersive, et on tient là une série exemplaire qui est juste frustrante car trop courte!!!
On va donc espérer qu’une seconde saison voit le jour, et on va en profiter pour remercier Arte et Centurions Films pour cette création atypique! Et pour les régionaux, le tournage des intérieurs a eu lieu en majeure partie au Rebberg à Mulhouse, dans les villas Jura et Argonne, ainsi qu’à l’hôpital du Hasenrain; et les extérieurs ont été tourné à Eschentzwiller, Richwiller, Steinbrunn-le-Haut, Obermorschwiller, Gueberschwihr, Westhalten, Merxheim, et même à DMC à Mulhouse ^^ Ca fait tellement plaisir de voir ces lieux sublimés par une caméra, et ça rappelle à quel point c’est quand même super beau le Haut-Rhin 😉