Je n’ai pas vu beaucoup de films canadiens dans ma vie, et encore moins de films québécois. Ceux-ci ont la particularité de souvent faire rire au départ, le temps qu’on s’habitue à l’accent, et il faut constamment tendre l’oreille afin de bien comprendre les dialogues. Et encore, sans sous-titres, c’est souvent compliqué et on perd pas mal quand même… Mais qu’à cela ne tienne, le pitch de Jusqu’au Déclin était très intriguant et je me suis lancé dans ce récit d’un père de famille qui se rend en pleine forêt enneigée pour un stage de survivalisme, ce qui est quand même vachement d’actualité.
Guillaume Laurin (Mommy) campe Antoine, le personnage principal adepte de méthodes de survie, qui va donc rencontrer d’autres pratiquants lors d’un stage organisé par Alain (Réal Bossé), un spécialiste du domaine qui a notamment une chaîne sur internet pour prodiguer des conseils. Ils vont être 7 participants, et vont passer plusieurs jours à assimiler les méthodes de dépeçage des animaux, de fabrication de bombes artisanales, de tir sur cible, de jardinage, bref tout ce qui peut s’avérer utile en cas d’attaque ou d’épidémie. Le but est d’être capable d’être auto-suffisant et de protéger sa famille.
Ca commence tranquillement, avec une certaine rigueur militaire mais une convivialité fraternelle, jusqu’au jour où un événement tragique va tout faire s’emballer. A partir de là, le film va plonger dans une veine thriller impressionnante et hyper-réaliste, que l’on sentait s’esquisser au préalable à travers quelques plans… Et Patrice Laliberté nous livre en fait un survival enneigé carrément maîtrisé, et qui est capable de nous surprendre à plusieurs reprises! Je m’attendais à un petit film sans prétention, et je me retrouve avec un film estomaquant sorti de nulle part, à la violence sèche et froide, mettant tous les personnages en position très délicate. Il y a une forme d’urgence et de radicalité que l’on voit très peu au cinéma, et l’âpreté du propos et de son traitement force le respect, avec des séquences à la violence dépouillée et d’autant plus frappantes! Patrice Laliberté joue à merveille avec la topologie des lieux et va être très précis dans ses compositions tout en extrayant des émotions viscérales des différentes séquences qu’il nous livre!
On retrouve au casting Marc-André Grondin, qui avait notamment joué dans 5150 Rue des Ormes et Les Affamés (ce qui boucle presque la totalité des oeuvres québécoises que j’ai vues ^^), et on a une approche sensitive qui est similaire à celle du metteur en scène Robin Aubert dans Les Affamés : une vision frontale et naturaliste du propos, avec une plus grande propension à des cadrages plus « picturaux » pour Aubert, et une immersion plus captivante pour Laliberté. Le film de zombies de Robin Aubert était intéressant et beau, mais le film de Patrice Laliberté est plus poignant dans son genre, plus vif et plus brutal. Mention spéciale à Marie-Evelyne Lessard, qui offre au personnage de Rachel une rage et une résistance impressionnantes! Elle s’inscrit parfaitement dans le registre extrêmement tendu du film, et est capable d’exprimer les émotions intenses qui la traversent en un seul regard bien appuyé! Jusqu’au Déclin est une très belle surprise, et place Patrice Laliberté comme un auteur à suivre!