Cutterhead (Rasmus Kloster Bro, 2018)

Après avoir mis en scène 3 courts métrages (Kys min bror en 2010, Liv en 2011 et Barvalo en 2012), le Danois Rasmus Kloster Bro nous livre un premier long très impressionnant avec Cutterhead! En racontant la descente de la photographe Rie au sein d’un tunnel en construction pour le futur métro de Copenhague, il va nous mener tout droit dans un récit terriblement étouffant, et pour cause, la raréfaction de l’air va se faire rapidement ressentir!

Cutterhead est un film à éviter pour toutes les personnes claustrophobes, tandis que les autres plongeront totalement dans ce survival devenant de plus en plus extrême, alors que tout commençait comme une simple mission de routine. Rie est chargée par la direction de la société d’excavation de prendre des photos de leurs ouvriers, afin de raconter leurs histoires et de donner une voix à ces travailleurs anonymes. Elle va donc rencontrer des gens de toutes nationalités, et notamment l’un des chefs de chantier, le Croate Ivo, et son apprenti, l’Erythréen Bharan. Alors qu’une émanation de monoxyde de carbone est détectée et qu’un départ de feu a lieu dans le tunnel, un des responsables place Rie dans le caisson du tunnelier (l’appareil permettant le forage, avec une tête de coupe à l’avant, donnant son nom au film) afin de la protéger de l’environnement devenu dangereux. Elle va se retrouver dans cet espace confiné, tandis qu’Ivo et Bahran se trouvent aussi dans la machine mais de l’autre côté.

Commence alors une course contre la montre et une rapide descente aux enfers, car le feu à l’extérieur se nourrit de l’oxygène, lequel va donc se raréfier très vite. Coincés dans leur coque d’acier, les 3 personnes sont dans l’impossibilité de sortir. De plus, comme Ivo et Bharan étaient en train de travailler sur l’excavation, ils n’ont pas la même pression dans leur partie du caisson que Rie. En effet, lors de travaux de ce type en milieu souterrain, afin d’éviter que les terrains s’effondrent, une pression est maintenue sur la tête de coupe. L’air se retrouve donc comprimé à l’avant de la machine, et les travailleurs évoluent en milieu hyperbare. C’est notamment le cas d’Ivo et Bharan alors que l’incendie se déclenche. Il va donc falloir que Rie égalise la pression si elle veut les rejoindre, ce qui va déjà bien la marquer physiquement.

Et ce n’est que le départ de cette aventure en mode survie, dans laquelle les personnages vont puiser dans leurs réserves les plus profondes et les plus instinctives. Alors qu’il ne faut pas céder à la panique pour ne pas consommer trop d’oxygène, l’atmosphère va se déliter et va mettre à mal l’esprit d’équipe du trio. Les failles de chacun vont se révéler tandis que le danger se fait de plus en plus imminent, et la nature humaine va se dévoiler dans ce qu’elle a de plus viscéral et instinctif. Christine Sønderris impressionne par son jeu bien extrême, et au travers du personnage de Rie, nous fait vivre une expérience extrêmement difficile. On sent littéralement ses difficultés à respirer et à se prémunir de la chaleur dans ce milieu hostile. L’actrice croisée brièvement dans la série The Rain livre une composition viscérale qui ne laisse pas indifférent! A ses côtés, l’acteur croate Kresimir Mikic est lui aussi très bon dans le rôle de ce chef de chantier qui tente de garder le contrôle de la situation, tandis que le Danois Samson Semere, pour sa toute première participation à un film, s’avère également très juste dans son jeu.

Rasmus Kloster Bro nous place dans une ambiance résolument claustrophobique et anxiogène au possible, et va jouer avec nos nerfs et nos sensations physiques de manière impressionnante. On a vraiment l’impression de se retrouver piégé avec les 3 protagonistes, et d’être en mode survie à leurs côtés! La promiscuité dans le caisson, la vision très limitée de l’extérieur du tunnel, la solitude, l’absence de lumière dans les profondeurs… Bro va user d’une mise en scène totalement immersive et sensitive pour nous faire vivre une expérience très traumatisante, et Cutterhead est une réussite totale dans le genre, avec une approche minimaliste allant droit à l’essentiel. Et l’essentiel ici, c’est de respirer… Alors quand on a du mal à reprendre son souffle, c’est terrible et ça se ressent même à travers l’écran. Une expérience difficile mais finalement passionnante!

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