En Liberté! (Pierre Salvadori, 2018)

Je ne m’étais plus intéressé aux films du metteur en scène tunisien Pierre Salvadori depuis ses tout premiers Cible émouvante en 1993 et Les Apprentis en 1995! Un extrait de ce En Liberté!, très prometteur au niveau de l’humour, m’a donné envie d’aller découvrir cette oeuvre atypique en salle. Je ne connaissais pas les acteurs principaux, comme Adèle Haenel (120 Battements par Minute), Pio Marmaï (La Délicatesse) ou encore Damien Bonnard (Rester vertical), et j’ai donc plongé dans un univers qui ne m’étais pas familier.

L’extrait que j’avais vu étais hilarant, et je m’attendais du coup à un film qui baignerait dans cette absurdité de manière constante. J’ai du coup été assez surpris par les différences de tonalité que Salvadori insufflait à son film, puisqu’il passait du comique au tragique de manière assez soudaine, créant une atmosphère délicate et étrange. Mais si ce parti-pris peut fonctionner, il s’avère très difficile à manier, et l’avancée du récit ne permettait pas de conserver l’intérêt intact sur toute la longueur du film. Passée la mise en place rythmée et bien punchy (avec Vincent Elbaz en super-flic), le ton adopté ne se maintenait pas aisément…

On a quelques saillies complètement barges et qui nous font éclater de rire, puis on opère un changement à 180 degrés sans crier gare pour se retrouver face à une crise existentielle finalement bien déprimante… En Liberté! va constamment osciller sur ces deux extrémités, nous faisant regretter une vraie bonne comédie hilarante ou un vrai bon drame bien poignant… L’un ou l’autre aurait été préférable à ce mélange qui nous laisse le cul entre deux chaises, et qui est assez inconfortable finalement… C’est bien dommage au vu de la réussite de certains passages, qu’ils soient drôles ou tristes, et qui démontrent d’une certaine habileté dans la mise en scène ou dans la narration, mais qui se heurtent à cet aspect hybride qui ne rend pas justice au film.

Adèle Haenel s’avère touchante dans son rôle de veuve éplorée qui va se rendre compte que son mari n’était pas du tout le super-flic que tout le monde connaissait, Pio Marmaï campe un personnage bien à côté de ses pompes avec cet innocent qui a passé des années en prison, et Damien Bonnard joue un amoureux transi avec une belle naïveté. Mais si les personnages sont sympathiques, ce sont leurs évolutions qui vont perdre de plus en plus d’intérêt, et le mélange des triangles amoureux ne va pas jouer en leur faveur… En Liberté! parle de regrets, de culpabilité, de difficultés à exprimer ses sentiments, mais il le fait de manière trop brouillonne malgré quelques belles percées. Il y a des moments où on aimerait que le film se pose un peu et reste sérieux quand il traite du sujet amoureux, mais il décide de partir en vrille. Et à d’autres instants, on aimerait qu’il soit plus léger et il va appuyer sur les sentiments… Parfois ça fonctionne, parfois non, et le résultat s’avère très bancal, avec des passages bien déprimants, et quelques instants poétiques…

En Liberté! avait été vendu comme une pure comédie qui vous ferait pleurer de rire, et s’il recèle quelques séquences bien hilarantes, il est loin de la promesse faite en amont, et est un film d’auteur de plus qui veut s’affranchir des genres en les mélangeant, mais qui ne parvient pas à sortir son épingle du jeu… On lui préférera d’ailleurs nettement Le Jeu, exemple typique d’une comédie française sacrément maîtrisée et immersive!

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