Encore un film policier français, encore Guillaume Canet dans un premier rôle, encore une reconstitution d’un fait divers… De prime abord, on peut se dire qu’on va se retrouver devant un énième film glauque lent et ennuyeux… Et bien pas du tout, ce 3ème long métrage de Cédric Anger (après Le Tueur et L’Avocat, à croire qu’il se plaît dans ce registre) impressionne par la rigueur de son écriture et la maîtrise de sa mise en scène. Cédric Anger nous plonge dans un fait divers sordide qui a affolé la population de 1978 à 1979, celui d’un maniaque qui tue des jeunes filles, surnommé le Tueur de l’Oise. Ce meurtrier avait une particularité très singulière, puisque c’était également un gendarme! Du coup, il participait même aux enquête qui le concernait, sans que ses collègues le soupçonne!
Le personnage change de nom pour les besoins du film, et devient Franck Neuhart, tandis que la véritable identité du tueur est Alain Lamare. Il est incarné par un Guillaume Canet très inspiré, qui s’immerge corps et âme dans ce rôle difficile. De caractère solitaire et taciturne, Franck cache sous un calme apparent une nature agressive, qui le met souvent en situation de confrontation avec ses collègues ou son entourage. Mais ses pulsions sont tellement fortes qu’il a besoin de les assouvir pleinement par le meurtre.
Cédric Anger mène son film avec une précision redoutable, nous plongeant dans le quotidien sans espoir de ce jeune homme torturé. Il parvient à recréer une atmosphère 70’s extrêmement crédible, avec l’utilisation de véhicules, de tenues et de décoration typiques de cette période. On plonge dans le Nord de la France d’il y a 36-37 ans, pris dans une ambiance sombre et terne, et on va assister d’un côté à ces meurtres tragiques et d’un autre côté à cette enquête qui n’avance pas… On croirait vraiment que le film a été tourné à cette période, tant l’aspect polar glauque rejoint celui du cinéma de genre des années 70!
La caractérisation du personnage principal est celle d’un individu se détachant de plus en plus de sa nature humaine, se démarquant de ses concitoyens par une froide vision de ses actes cruels. Franck Neuhart est un tueur implacable qui, une fois lancé, ne revient jamais en arrière. Il accomplit ses meurtres avec une froide détermination, tout en se laissant submerger par ses pulsions. Les scènes de meurtre sont tragiques dans leur réalisme cru, et les victimes n’ont pas d’échappatoire face à ce tueur fou. Guillaume Canet incarne ce personnage déphasé avec beaucoup de conviction, et sa prestation glaciale impressionne.
Face à lui, la fragile Sophie apparaît comme une figure de rédemption possible, cette jeune femme discrète et belle tentant de lui donner son amour. Mais Franck reste engoncé dans sa carapace, gauche et acerbe, la traitant avec une distance qui tient du mépris. La jeune femme en souffre, et tente malgré tout de trouver une faille dans son coeur. La sublime Ana Girardot (fille d’Hippolyte Girardot, et n’ayant aucun lien avec Annie Girardot) joue cette jeune femme avec beaucoup de sensibilité, et apporte un contraste étonnant et que l’on espère salvateur face à l’intransigeance de Franck. Mais il a déjà sombré trop loin dans la psychose pour espérer pouvoir revenir à la surface…
La prochaine Fois je viserai le Coeur est d’une radicalité que l’on retrouve rarement dans le cinéma contemporain, et Cédric Anger utilise un langage cinématographique âpre et percutant. Son récit est sans espoir, et baigne dans une noirceur qui ne va que s’accentuer. Et lorsque l’étau va progressivement se resserrer autour de Franck, il va devoir user de stratagèmes de plus en plus délicats afin d’essayer de s’en sortir. On suit sa déchéance avec un mélange très bien dosé de tension et d’envie que tout cela s’arrête, la proximité avec le personnage apportant une tristesse pour le gâchis de son humanité. Mais face au sort qu’il réserve à ses victimes, même son aspect masochiste ne justifie en rien ses actes.
Cédric Anger réalise un film étonnant, très percutant et baignant dans une atmosphère véritablement délétère. Un vrai polar français des années 70, simplement sorti l’an dernier!
Guillaume Canet a tout pour lui. Un jeu d’acteur qui s’améliore film après film, c’est évident. Mais il a un charisme et une « gueule ». Beaucoup de talent le garcon. Ce film est vraiment une réussite.
Hey! Welcome Didier!!! Je ne connais pas bien sa filmo, mais là il m’a agréablement surpris! J’ai vraiment bien apprécié l’ambiance pesante et la reconstitution des 70’s!