Ca fait plus de 10 ans que je n’avais pas vu un film de Steven Soderbergh, le dernier étant le très bon Piégée il me semble. Révélé par son premier film Sexe, Mensonges & Vidéo pour lequel il a directement gagné la Palme d’Or en 1989, le metteur en scène est connu pour des oeuvres comme Ocean’s Eleven, Erin Brockovich, Seule contre Tous, Traffic, Contagion ou encore Magic Mike, qui convoquent à chaque fois le gratin hollywoodien. Mais dans la multitude de projets qu’il réalise, il se plaît à placer de temps en temps des oeuvres plus confidentielles, avec budget resserré et casting moins clinquant, mais qui vont lui permettre d’explorer d’autres genres. Presence fait partie de cette catégorie, avec un tournage en lieu unique lui permettant de limiter les frais et des effets spéciaux minimes.
L’entièreté du film va se dérouler à l’intérieur d’une maison dans laquelle vient emménager une famille, et on a l’impression d’assister à une suite spirituelle de l’excellent A Ghost Story de David Lowery, avec cet aspect épuré et ces plans qui laissent défiler le temps. Le film va littéralement être composé de plans prenant soit place uniquement dans une seule pièce, soit avec une caméra évoluant au sein de la maison, avec comme idée de laisser se dérouler l’action. Soderbergh multiplie donc les plans-séquence qui permettent aux acteurs de donner tout leur potentiel et de développer leurs personnages, qui sont d’ailleurs très bien écrits par David Koepp. On peut être surpris quand on voit le nom de ce très grand scénariste hollywoodien, lui qui est derrière Jurassic Park, L’Impasse, Mission : Impossible, Panic Room, Spider-Man (celui de Raimi), La Guerre des Mondes et des dizaines d’autres. Le voir sur un projet aussi confidentiel est étonnant, mais entre la maîtrise visuelle de Soderbergh, la qualité d’écriture de Koepp et l’excellent acting, on comprend l’excellente tenue de ce petit film qui parvient à nous happer d’un bout à l’autre.
Je vous parlais d’A Ghost Story pour une certaine ambiance qualitative, mais on va bien évidemment évoquer Paranormal Activity puisque Steven Soderbergh se réapproprie les codes du film d’Oren Peli, en substituant le found footage à un choix de prise de vue risqué mais s’avérant déterminant dans la qualité de cette oeuvre. La caméra mouvante va se rapprocher au plus près de chaque membre de cette famille, et on va découvrir les failles et les faiblesses de chacun d’entre eux. Les 4 membres possèdent déjà un vécu qui fait que leur harmonie familiale n’est pas la meilleure, et on appréciera vraiment le développement de David Koepp sur les différentes relations entre eux. Si Lucy Liu est l’actrice la plus connue, son personnage est probablement le moins intéressant de tous, avec cette sorte de rigidité qu’elle traîne tout au long du métrage. Par contre, Chris Sullivan est excellent dans le rôle de ce père dépassé mais qui tente de garder le contrôle, Eddy Maday est très bon dans le rôle du garçon prodige prétentieux, et surtout, Callina Liang est parfaite dans le rôle de Chloe, la jeune fille fragile qui ressent très rapidement une présence dans la maison.
Le traumatisme qu’elle a vécu a peut-être accentué ses dons de perception, et Callina Liang apporte une réelle sensibilité à son personnage, qui entre une mère distante et une absence suite à une tragédie, semble se replier sur elle-même. La fragilité relationnelle entre les 4 membres de cette famille va être un élément central du film, avant que la présence ne se fasse sentir de manière plus distincte. La filiation avec Paranormal Activity est évidente, avec cette propension à laisse s’étirer les scènes sans qu’il y ait de grosse séquence d’action, mais cette approche est essentielle pour la montée progressive de la tension, et Soderbergh gère à merveille sa partition. La présence va se faire sentir de manière tout d’abord discrète, puis va monter de quelques crans, et la famille va devoir composer avec ce nouveau paramètre étrange. L’aisance avec laquelle le réalisateur se déplace dans la maison en épousant le caractère spectral de cette présence crée une atmosphère très spéciale, puisqu’on navigue dans un lieu qui se veut rassurant et protecteur mais qui va être traversé par d’étranges turbulences. Soderbergh a utilisé une caméra Sony Alpha 9 III, qui est en fait un appareil photo permettant des déplacements très fluides. Le rendu est superbe, surtout accompagné par la très belle photographie également faite par Soderbergh (qui accessoirement s’est aussi occupé du montage).
Presence ne va pas faire dans le sensationnel mais va être une ghost story tout en douceur et en finesse, qui va toutefois s’attaquer à un problème sociétal très grave, et on appréciera une fois encore la qualité d’écriture indéniable de David Koepp dans le caractère très réaliste et très frontal cette description. Ce film est une vraie belle surprise qui va parvenir à s’inscrire dans un genre de prime abord classique, pour révéler une vraie innovation dans la manière de le gérer.