Le Gangster, le Flic et l’Assassin (Won-Tae Lee, 2019)

Le cinéma coréen nous gratifie régulièrement de polars musclés appréciés par la critique, et Le Gangster, le Flic et l’Assassin fait partie du dernier arrivage du genre. Won-Tae Lee réalise son second long métrage après Daejang Kimchangsoo, et se place dans une veine policière plutôt aboutie avec une belle tension et des intentions de mise en scène intéressantes. Avec un titre pareil (The Gangster, the Cop, the Devil en VO, ce qui rend encore plus machiavélique), on pense forcément au mythique Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone, et on sent évidemment une certaine influence dans la manière de traiter les personnages, ce qui est finalement assez typique du cinéma coréen. Cette approche prônant des personnages complexes et à la moralité floue fait que l’on va s’intéresser de près aux 3 composantes de cette enquête policière, en trouvant dans chacun des protagonistes des éléments qui donnent envie d’en apprendre davantage.

On n’a donc pas de flic tout gentil ou de gangster entièrement mauvais, même si l’assassin lui est quand même une putain d’ordure. On commence par découvrir un flic tête brûlée qui n’hésite pas à se mettre en danger, et qui est prêt à abuser de son pouvoir pour coffrer des bad guys. Son côté kamikaze renvoie dans une certaine mesure à un certain Martin Riggs, et Mu-Yeol Kim l’incarne avec beaucoup de charisme! L’acteur lui donne un aspect bad-ass convaincant et en fait un électron libre bien usant pour son supérieur! Le mafieux Jang Dong-soo est incarné par Dong-seok Ma, qui s’avère excellent en imposant une présence forte et un caractère violent et parfois drôle! C’est clairement le personnage le plus intéressant des 3, et il bénéficie vraiment d’une caractérisation exemplaire! Sung-kuy Kim quant à lui joue le psychopathe qui va déclencher une véritable chasse à l’homme, et est un individu dénué de tous scrupules, adepte du meurtre pour le plaisir.

On pourrait se dire avec cette présentation des personnages que l’on va se retrouver dans un schéma typique du polar, mais la densité que les acteurs apportent à leurs rôles va conférer une très belle aura à ce film, que Won-Tae Lee va dérouler avec une belle expérience! Si la bande-annonce laissait entrevoir un film d’action bien jouissif, le résultat lorgne davantage vers l’enquête policière avec quelques éclats de violence bienvenus. On va vraiment accrocher à ces liens qui se tissent entre les protagonistes, notamment avec cette alliance délicate entre le flic et le mafieux, qui ne va pas se faire sans heurts! La manière dont tout cela est amené est vraiment bien ficelée, et on va assister à un rapprochement entre 2 personnages de milieux que tout oppose, qui vont devoir collaborer afin d’arrêter ce tueur en série sévissant depuis des mois.

Won-Tae Lee gère également le scénario, et nous gratifie d’un récit dense qui va se nourrir d’une certaine mythologie du film de gangsters, pour nous offrir une série B de très belle facture dans laquelle il se (et nous) fait plaisir en alignant des séquences prenantes et des dialogues qui claquent. Il n’y a rien qu’à voir les négociations entre le flic et le gangster pour cerner le mélange d’humour et de violence qui sous-tend le film, et qui va perdurer tout du long. La scène d’introduction du gangster est excellente et le pose d’emblée comme un caïd avec lequel il ne faut pas rigoler, et franchement Dong-seok Ma s’impose physiquement et psychologiquement! On va assister à la mise en route d’une enquête parallèle mouvementée et qui va passer par différentes phases, des recherches en mode analyse de véhicule aux passages à tabac, et la frontière entre flic et mafieux va devenir de plus en plus floue au fur et à mesure de l’avancée. Si là encore le thème du rapprochement des contraires est un classique du genre, le metteur en scène le traite avec des notes d’humour et une violence frontale qui font plaisir, car elles apportent une bonne dose de fraîcheur à l’ensemble.

Le flic peut-il faire confiance au malfrat, et ce dernier peut-il compter sur le flic pour jouer le jeu? Il y a pas mal de zones grises qui permettent de conserver un bon suspense, et chacun va au final vouloir s’en sortir le mieux, et ce sont dans ces évolutions de « contrat moral » que l’histoire recèle également un intérêt. On a parfois des saillies absurdes avec une explosion de violence suite à la manière dont un personnage se permet de parler à un autre, et on sent un certain vernis d’apparat qui n’a pas forcément sa place dans l’enquête mais qui dénote d’une stature qui prime dans le milieu. Le gangster se doit de remettre de l’ordre après avoir échappé au tueur, et est dans l’obligation de lui mettre la main dessus pour ne pas perdre la face vis-à-vis de ses rivaux. On assiste à quelques règlements de compte bien saignants et à quelques moments qui remuent un peu, avec souvent un humour noir qui fonctionne.

Le Gangster, le Flic et l’Assassin est une belle surprise dans le genre, se réappropriant les codes du polar pour s’en amuser le temps d’un film d’alliances étranges, où les seconds rôles possèdent eux aussi une certaine densité. Won-Tae Lee insuffle un bon rythme à son enquête, nous gratifie d’un suspense qui ne se dément pas, et surtout joue avec des personnages forts en gueule et qui n’ont pas peur de se salir les mains. Ca fait plaisir de voir un polar qui n’édulcore pas la violence et qui se place comme une oeuvre réussie et non prétentieuse, et qui est en plus aidé par une mise en scène immersive. Les poursuites sont intenses, et le tout est emballé avec un réalisme assez percutant.

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